la boite à mots de l’été 2018

sept 2018 -
Si les mots avaient des ailes

Voici les  mots de l’été 2018 :

  •  juillet : sourire, arc-en-ciel, abandon – (pourquoi, se délecter)
  •  aout : émouvant, enfant, désormais – (couleur, séduire)
  • Et une proposition plus ambitieuse, celle de « dis-moi dix mots » :La nouvelle édition « Dis-moi dix mots sur tous les tons » met à l’honneur l’oralité. Chacun est invité à s’interroger sur les multiples usages de la parole : celle-ci se libère, à voix basse ou à voix haute, avec ou sans accent. Elle se déclame dans les discours, s’échange au cours de débats, se met en scène au théâtre et laisse toute sa place à l’improvisation autour des dix mots choisis : accent, bagou, griot, jactance, ohé, placoter, susurrer, truculent, voix, volubile. (plus d’informationet toutes les définitions sur le site www.dismoidixmots.culture.fr)

voir les règles du jeu ici


Voici les textes que nous avons reçus :



 

l’enfant refugié (Susan Clot)
L’enfant refuse obstinément d’abandonner  le  petit bout de chiffon grisâtre qui l’accompagne partout.  Depuis deux mois, dans un état d’hébètement, il suit  péniblement les adultes qui l’ont pris en charge. Depuis deux mois il fait parti de ce troupeau en transhumance, entouré par des inconnus bienveillants mais fortement sollicités par leur propre progéniture et trop exténués  pour lui accorder beaucoup d’attention.
Ce chiffon est tout ce qui lui reste de sa mère. Elle  lui manque, mais il ne se souvient qu’à peine de son visage, de sa voix, de son sourire. Il n’a que ce bout de tissu dont l’odeur, souvenir d’une vie antérieure,  s’étiole au fil des kilomètres. Est-ce un mouchoir, un bout de drap, un bout de vieille robe ?  On devine quelques traces de couleur  arc-en ciel effacées par de multiples lavages,  des larmes, des intempéries et de  la saleté.

Chez les Duclos les actualités télévisées passent en sourdine. Gros plan sur un petit bonhomme de cinq ou six ans aux yeux ronds et tristes qui  tripote un bout de tissus gris. On sait que c’est un migrant, mais on ne sait pas d’où il vient, ni où il va, ni pourquoi il est parti de chez lui.  Est-ce un Mexicain, un Rohingyas, un Syrien, un Afghan ? Peut-être même un Soudanais, un Albanais. Des migrants…il y en a tellement.
Les enfants regardent l’écran d’un œil distrait entre deux bouchées de lasagne, leur plat favori. Ils  se délectent bruyamment du repas, tout en prenant des précautions pour ne pas mettre de la sauce tomate sur leurs  teeshirts. Ca serait grave.
—    Dépêchez-vous de finir. C’est l’heure  de Kolanta, dit le père avant de changer la chaîne.


Rupture (Colette)

Assis à son bureau, Serge, rédige une lettre à l’intention de Brigitte, sa maîtresse.

Mon tendre et cher amour

Encore une fois , je viens te demander pardon pour mon attitude d’hier. Je comprends ta réaction lorsque tu ma surpris dans les bras de Laure, ta meilleure amie. Mais tu me connais, je suis incapable de résister au sourire d’une jolie fille. Dorénavant tu n’auras plus à souffrir de mes infidélités. Aussi je prends la décision d’une séparation entre nous deux.  Et pourtant, je t’aime, tu es mon arc-en-ciel , la lumière de mes yeux, les battements de mon. cœur. Jamais je ne t’oublierai.  Adieux

                                                Serge

Pliant  la lettre et la glisse dans une enveloppe, puis il écrit dessus : Pour Brigitte

Il ouvre un tiroir, en sort un browning, pose le canon sur sa tempe, le doigt sur la détente et… Quelques secondes s’écoulent, il repose l’arme, se lève , se dirige vers le bar et se sert un demi-verre de whisky. Un miroir au dessus du meuble, lui renvoie son image. Il se regarde et se trouve belle allure, beau gosse même.  Il reprend un second verre s’en délecte et déclare que la vie est belle et qu’il a tout l’avenir devant lui. Alors il faut en profiter ! Oubliant la lettre, il attrape son pardessus, son chapeau et sort rapidement de la pièce. Dans l’escalier, il bouscule une domestique : Monsieur sort ? Oui ! Je me rends à mon Club, je rentrerai tard ou peut-être pas du tout dit-il en riant. Au moment où il s’élance sur la chaussée, il est ébloui par des phares, l’auto freine, c’est le choc, le trou noir. Affolé le conducteur sort de son véhicule, c’est trop tard, il n’y a plus rien à faire. Un témoin appelle la police. Quelques minutes plus tard le commissaire Trouvetou et l’inspecteur Leflaire sont sur les lieux de l’accident. Dans les poches de la victime les policiers découvrent ses papiers et son identité : Serge Laventurier, domicilié 13 Rue du Pas de Pot, déclare le commissaire. Mais c’est juste en face, constate l’inspecteur. Pendant que les ambulanciers emportent le corps de Serge, les policiers se rendent à son domicile. Après avoir sonné plusieurs fois à la porte, une jeune femme vient ouvrir. Elle est en bigoudis, mal réveillée, elle  interroge : C’est à quel sujet ? Monsieur Laventurier habite bien ici ? Oui ! Mais il n’est pas là ! Ça ! On le sait, il vient de se faire renversé par une voiture, il est mort.   Permettez qu’on entre. Surprise la demoiselle tombe évanouie dans les bras d’un agent. Rapidement les policiers trouvent sur le bureau le revolver et la lettre. Comme l’enveloppe n’est pas cachetée le commissaire en prend connaissance. Après lecture, il en conclu que c’est bien un suicide. A ce moment  une femme crie et tente de forcer le ba rrage des agents.

– Mais laissez-moi passer, je dois voir  monsieur Laventurier d’urgence.

– Laissez monter ! ordonne Trouvetou . Puis-je savoir qui vous êtes ? Brigitte Malchance, l’amie de Serge Laventurier. Qu’est-ce qui se passe ?

-Vous connaissez bien ce monsieur, parlez-nous un peu de lui ?

– Ah ! Je vois, il a encore été se fourrer dans les emm… C’est le plus fieffé menteur, joueur, escroc, coureur, lâche sans aucun scrupule que la terre aie porté. Je ne saurais vous dire combien de fois il m’a quitté pour une autre femme. Puis monsieur revenait , penaud, me demandant pardon pour cet abandon, disant n’aimer que moi et qu’il se suiciderait si je le quittais. Mais maintenant je ne le crois plus, il est incurable. Aussi depuis hier j’ai décidé de partir définitivement. Je viens chercher quelques affaires qui sont chez lui. Mais pourquoi toutes ces questions ?

– Mademoiselle, soyez courageuse, votre ami s’est effectivement suicidé.

– Ah ! Enfin, pour une fois, il a tenu parole !

 


Vide et bien (Gg)

C’est bien connu, dans le vide intersidéral tout abandon fait figure de lèse-majesté. Encore quand il s’agit d’un petit caillou, ici ou là, de la taille d’un protozoaire, cela ne se remarque guère. Ou si peu! L’Espace est vaste dans nos régions lactées mais on peut y trouver sa voie pour peu que l’on suive le fléchage de l’arc-en-ciel. C’est ainsi, qu’un beau jour de novembre, alors que Zébulon poursuivait, infatigable, une girafe au poil argenté (spécimen relativement fréquent dans la constellation du cygne), il tomba nez-à-nez, si j’ose m’exprimer ainsi, avec un sourire. Un sourire! Mais comment avait-il pu débarquer là, ce sourire, d’autant qu’il ne s’imprimait sur aucun visage. Non, il n’était que sourire, à des années-lumière de toute vie qu’elle soit évoluée ou non. Ce doit être un mirage pensa Zébulon, mais, le fait même de formuler cette pensée provoqua une accentuation prononcée des couleurs de l’arc-en-ciel lesquelles investirent les incisives puis les canines et enfin les molaires donnant au sourire une flamboyance extraordinaire dans le ciel de traîne des galaxies lointaine. De quoi se délecter au seuil de l’éternité sans se poser l’éternelle question du pourquoi.


Trop beau !  (Caroline)

L’arc en ciel c’est la magie de l’alliance entre la brume et le soleil !
C’est un sourire du ciel qui se penche pour regarder notre si belle planète bleue et remercier sa nature.
Elle n’abandonne jamais cette fidèle et belle amie !
Chaque année elle regonfle les buissons et fait refleurir les prairies !
C’est un sourire qui chaque fois redonne aux oiseaux l’envie de lancer leures trilles musicales.
C’est l’espoir et la palette des couleurs de la vie !
C’est un très joli cadeau que le ciel nous envoi.


Les caprices du ciel (Martine P.)
Quelle chaleur ! Je suis épuisée. J’étouffe. Ah ! Si seulement une petite averse pouvait surgir !
Soudain, le ciel se noircit et devient menaçant. S’en suit, d’inquiétants roulements.
Puis un déluge s’abat. Brutal, furieux, enragé. Je dégouline dans mon tee-shirt trempé.
Là, sur ma droite, un porche me tend les bras. Vite, je m’y abrite. Des chants attirent mon attention. Je vois surgir deux diablotins hilares qui sautent dans les flaques d’eau en chantant à tue-tête. Ils me gratifient d’un large sourire en passant devant moi. Pourquoi ne s’abritent-ils pas eux aussi ?
Quelques minutes plus tard, l’orage s’éloigne. Aussitôt, une palette arc-en-ciel emplit le ciel. L’écharpe colorée inonde les toits ruisselants des maisons. Je me délecte de ce spectacle lumineux et décide d’immortaliser cet instant en prenant une photo avec mon téléphone portable.
Un timide soleil pointe le bout de ses rayons. Il s’enhardit jusqu’à embraser, à nouveau, l’atmosphère.
Abandon des bourrasques, retour de la chaleur, la saison estivale est belle et bien installée.


Nostalgie (Colette)

Je me souviens…
Je venais de quitter ma province pour poursuivre mes études de médecine à Paris. Par soucis d’économie, je logeais dans un immeuble de la rue Gabrielle, à Montmartre, dans une chambre de bonne au 6ème, sous les toit. Cette dernière n’était pas bien grande et meublée sommairement : un lit grinçant, une table bancale, une chaise, une armoire, une cuvette et un broc. L’eau était sur le palier. Il n’y avait pas de fenêtre, seulement une lucarne qui me permettait, en montant sur la chaise de découvrir les toits de Paris. Au même étage, un autre locataire, un africain venu en France étudier la littérature et la philosophie. Il disait qu’une fois rentré dans son pays il deviendrait griot.
La concierge, une brave femme qui entretenait l’immeuble, volubile avec son accent des faubourgs colportait tous les potins du quartier en vous chuchotant :
– Et surtout vous gardez ça pour vous !
Je me souviens…
Lorsque j’allais place du Tertre, j’y trouvais un lieu calme, chaleureux, vivant où tout le monde semblait se connaître. Des peintres posaient leurs chevalets et barbouillaient leurs toiles des divers sujets qui les entouraient et surtout la basilique du Sacré Cœur. Ici planent encore les ombres d’Uttrilo, Renoir, Toulouse Lautrec, Picasso… Des caricaturistes en quelques coups de fusain croquaient les passants assis posément attendant le résultat de leur portrait. Pas mal le dessin, plutôt ressemblant ! Manou, la diseuse de bonne aventure avec sa jactance prédisait l’avenir en lisant dans les lignes de la main. Sur un banc, deux amoureux partageaient le même verre de diabolo menthe en se susurrant des mots d’amour. Un clochard jouait de l’harmonica pendant que son chien dansait en tenant dans sa gueule un chapeau qu’il présentait aux passants semblant leur dire :
Ohé ! A vot’bon cœur, m’ssieurs, dames, pour le repas d’ ce soir que je partagerais avec mon maître !
Un truculent chanteur des rues vendant ses partitions, paroles et musique interprétait à pleine voix le dernier succès du jour de Georges Ulmer, encourageant les badauds à reprendre, en chœurs, le refrain :

Un p’tit jet d’eau
Un’ station de métro
Entourée de bistrots
Pigalle…
Ca vit, ça gueul’
Le gens diront c’qu’ils veul’nt
Mais au monde y a qu’un seul
Pigalle !

Je me souviens aussi…
Qu’il faisait chaud et que les terrasses des cafés, « Le Sabot Rouge », « le cabaret de la Bohème », « le restaurent de la Mère Catherine », « le Cadet de Gascogne » étaient pleines de clients. Il y avait quelques promeneurs parisiens, provinciaux mais peu de touristes.
Un groupe de garnements, des petits poulbots avec leur bagou de titi parisien tenaient conseil.  Encore en train de mijoter une de leur bêtise dont ils avaient le secret. Puis telle une envolée de moineaux ils disparaissaient parmi les promeneurs.
La journée terminée, les chevalets se repliaient, les boites de crayons étaient rangées et les promeneurs se dispersaient. Au crépuscule les lampadaires s’allumaient, les volets de riverains se fermaient. La lune montait dans le ciel étoilé, le quartier faisait place aux noctambules, à ceux qui prennent la nuit pour le jour.
Oui je me souviens de tout cela… C’était en 1951, j’avais 20 ans !
Depuis je n’ai jamais quitté Montmartre, j’habite toujours rue Gabrielle, même immeuble, mais je suis descendu de quelques étages lorsque j’y ai ouvert mon cabinet. Un interphone a remplacé la concierge.
Maintenant je suis un vieux monsieur, qui vient souvent s’asseoir sur un banc place du Tertre.
Ce n’est plus pareil, le charme est rompu. Des cars déversent leurs flots de touristes de tous les pays. On y entend toutes les langues comme à la Tour de Babel. Parfois des québécois que l’on reconnaît à leur façon de placoter.
A petits pas je rentre chez moi, mais je ne peux m’empêcher de fredonner en marchant cet air que chantait Cora Vaucaire :

En haut de la rue saint Vincent, un poète et une inconnue
S’aimèrent l’espace d’un instant, mais il ne l’a jamais revue
Cet chanson il composa, espérant que son inconnue
Une matin de printemps l’entendra, quelque part au coin d’une rue
La lune trop blême pose un diadème sur tes cheveux roux
La lune trop rousse de gloire éclabousse ton jupon plein de trous
La lune trop pâle caresse l’opale de tes yeux blasés
Princesse de la rue sois la bienvenue dans mon cœur blessé
Les escaliers de la Butte sont durs aux miséreux
Les ailes des moulins protègent les amoureux

 


L’Homme (Patriccio)
C’est fou ce que ça fait du bien de sourire franchement à toutes ces passions qui nous viennent du fin fond des âges et qui culminent à une certaine hauteur de notre stupeur pour le commun des mortels ; je veux dire qu’il faut de l’ambition démesurée pour voir en l’Homme autre chose qu’un animal doué de raison et encore, la raison vacille chez lui, plus qu’à toute autre espèce…
Mais semble-t-il qu’il se régénère…
Alors pourquoi se délecter dans la fureur de ses passions ? Ne sont-elles pas son cri ? Perçant toutes les murailles qui lui ont été mises en travers de son chemin… L’Homme serait-il autre chose que sa voix qui raisonne depuis des millions d’années à travers le temps pour signaler qu’il existe au-delà des planètes ? Ou alors fait-il semblant pour se chauffer et se stimuler pour se sentir exister ?
On a tant souri, toi et moi, pour se sentir vrais que j’ai oublié ce que ça fait d’être à nouveau seul, à me poser des milliers de questions pour connaître ce qu’il m’arrive, soudainement ; être seul et ne plus avoir quelqu’un à qui confier mes doutes, mes peurs, mes rires, ce qui me fait envie, ce qui m’afflige, ce qui m’excite ou me fait débander. Je n’y arrive plus. Je pense tout le temps à toi et me demande, à chaque fois avec qui tu es. Tu étais mon rayon, mon arc-en-ciel. Et me voilà dans l’abandon le plus total. Qu’est-ce que j’ai bien pu faire pour mériter ça ? J’étais plutôt enjoué, motivé par la vie, notre vie, que je voyais filer comme du vent, ne me tenant pas pour le futur qui m’enivrait de manière condescendante et savait à quoi s’en tenir sur mes arguments à ton sujet… Je voyais tout dans un verre d’eau bien rempli par ta peau et ton odeur affriolante…
Mais maintenant que tu n’es plus, je me demande à quoi sert ma vie et la vie de l’Homme, en général… Car les passions de l’Homme ne sont dictées par aucune foi en quelque chose de spirituel, voire mystique, il pense par l’action et seulement l’action, peu importe pour lui les conséquences de ces actions et peu importe pour lui que sa raison vacille, si elle lui fait du bien, au final, il aura gagné de la certitude à son existence…Et même si cette existence est pauvre… Je veux dire miséreuse, car même dans le stupre il trouvera de quoi sourire à nouveau à la vie, car il se sentira exister, à ses propres yeux et aux yeux de certains de ses proches ou amis fidèles.
En fait les passions auxquelles nous devrions sourire, à peu près toutes, n’existent que parce que l’Homme s’attache à ses maux qui le troublent et le font fuir de la réalité, or il s’en invente une autre qui devient sa passion, qu’il poursuivra sans cesse jusqu’à son trépas… Ce sera son arc-en-ciel et même si il s’y abandonne, plus par orgueil que par réel sentiment, il s’en délectera : ça le fera vivre, ça le fera exister.

—-
Souvenir (Caroline)

Désormais… Voilà un mot qui me fait peur !
C’est presque définitif !
Désormais je serais sage comme disent les petits enfants après avoir été pardonnés d’une grosse bêtise.
Désormais tu ne mangera plus de ces délicieuses bouchées au chocolat me conseille le pèse personne de ma salle de bain dont le curseur révèle ma coupable gourmandise.
Désormais je ne me laisserais plus séduire par le si joli petit pull dont j’ai déjà le frère plié sur l’étagère de mon dressing.
Désormais je serais tolérante et plus attentive à mon prochain… et puis…
Un souvenir émouvant me vient à l’esprit…
Un jour ou j’étais en campagne profonde, chargée d’une carabine 22 qu’un ami chasseur m’avait offerte. Moi qui ne chassais pas cela m’avait surprise, mai lui aimait les armes.. ..
Soudain, au creux d’un chemin, j’entendis un léger bruit.
Alertée je m’arrêtais… c’était un petit mulot occupé à ses affaires…
Je le visais et… Le tuais !
De ma vie je ne me suis sentie aussi sotte et coupable. !
Quel geste imbécile… tuer ce petit animal qui ne demandait rien à personne !
Désormais je ne tue plus et n’ai plus de fusil !


Le gala de fin d’année (Martine P.)
Désormais je comprends ! Je comprends à mon tour l’émoi de ma chère Maman lorsqu’elle assistait à mon spectacle de fin d’année à l’école Pasteur. Je ne comprenais pas son émotion lorsque je la regardais assise, là, au premier rang, des larmes embuant ses beaux yeux azur. Aujourd’hui, j’ai compris. Il est tellement émouvant de voir son enfant virevolter au son d’une musique entraînante, dans son habit de couleur.
Je ne quitte pas la scène des yeux. Mila évolue au rythme de la musique. Elle tient par la main Juliette et esquisse scrupuleusement les pas de danse qu’elle a appris pour séduire les spectateurs.
Leur danse terminée, les « petits rats en herbe » s’avancent sur le devant de l’estrade et saluent le public. Leur crainte envolée, ils affichent un visage souriant pour recevoir des applaudissements bien mérités. Mila m’a repérée. Elle me fixe d’un regard interrogatif.
–    Bravo ! Bravo ! Tu as été magnifique.
Rassurée, son visage s’illumine. Elle me gratifie discrètement d’un petit signe de la main avant de s’esquiver dans les coulisses avec ses camarades.
Quel moment merveilleux cette fin d’année scolaire ! Vive les vacances !


Le Fanfaron  (Patriccio)
Je faisais le fanfaron, oui désormais,
J’étais abonné au mois de Mai,
Où tout n’est que floraison,
Où les fleurs pleurent plus que de raison…

Ce mois qui m’enivrait le poil,
Ressemblait, à s’y méprendre, à mes désirs d’enfant :
J’entonnais avec moi, devant la toile,
Les chansons qui me berçaient dans le fond

Et je vivais les mois d’hiver,
Où rien ne respirait comme aux enfers,
Me tourmentant dans l’allégorie,
D’une plaine hydratée de logorrhée.

Cet enfant que j’étais, du reste émouvant,
Ne semblait pas connaître de moments de beauté,
Il était perturbé par la pluie et le vent
Et ne savait que faire : se venger ou s’ôter.

Mais c’est quand je faisais le fanfaron, que tout se décida :
Je n’étais plus ici, mais devisait là-bas…
Je rigolais de mes blagues et de mes clowneries,
Les autres, m’empêchaient de dire ces conneries.

J’étais cet enfant et ma couleur préférée : le noir,
J’étais cet enfant qui ne parlait pas beaucoup, le soir,
Mais j’avais ce sourire qui dévisageait le monde,
Et j’avais envie d’en rire : l’aspect immonde…

Oui, je veux dire que je fuyais cet aspect,
Qui, pour me séduire, prenait toutes les formes :
Rondes ou bien planes, immenses et informes,
Elles savaient tout de moi et me manquaient : le respect…



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