Ecriture critique 2015-2016 : Quelque chose de possible

déc 2016 -
Si les mots avaient des ailes

Quelque chose de possible

Aurélia Guillet

distribution,mise en scène, écriture et scénographie Aurélia Guillet
écriture et collaboration artistique David Sanson
lumières César Godefroy
son David Sanson et Jerôme Castel
avec Anne Cantineau, Miglen Mirtchev, Aurélia Guillet, Philippe Smith, Jerôme Castel

25 mars 2016 –    L’Onde – Théâtre Centre d’Art de Vélizy-Villacoublay (78)



Critiques écrites dans le cadre du projet « Mémoire de scènes » de l’Onde – Théâtre Centre d’Art de Vélizy-Villacoublay

Atelier d’écriture animé par Christophe Candoni, journaliste

Atelier théâtre animé par Catherine Lenne, comédienne et metteur en scène.

Octobre 2015 – Juin 2016



Quelque chose de possible : une jolie demande en amour

Par Mi´Ailes


A partir de « Minnie and Moskowitz » de John Cassavetes, Aurélia Guillet et David Sanson proposent des variations sur l’amour contemporain, sous le regard d’un « ange du bizzare », oiseau de mauvais augure pourtant bienveillant et clin d’œil à Kafka.

Sous les volutes vibrantes d’une guitare électrique, quatre comédiens déclinent aspirations et émotions contradictoires liées à l’amour. Une employée de musée, maîtresse d’un homme marié, finira par comprendre et accepter qu’elle aime quelqu’un de bien éloigné de son milieu et de son idéal.

Avec deux logements séparés par la diagonale du plateau, le jeu des acteurs n’occupe souvent que partiellement l’espace. La pièce ne brille pas par ses costumes et pâtit de longueurs, surtout quand des chansons – même réussies – sont posées telles des interludes. Les mouvements du décor altèrent la fluidité de la représentation et le jeu d’Aurélia Guillet, qui s’est arrogé le rôle féminin principal, manque de densité.

Et pourtant, ce spectacle imparfait ne manque pas de charme.

Tandis qu’Anne Cantineau affirme, avec justesse, des jeunes femmes modernes, indépendantes et qui s’assument, la pièce est très largement portée par Miglen Mirtchev dont la grâce tient à la sincérité sans faille. Il incarne un personnage dénué de filtre socio-éducatif. Dans sa bouche, la plus délicate poésie côtoie sans transition des propos quasi-scatologiques. Il n’est pas un révolté ; il ne s’encombre pas de convenances parce qu’elles lui sont étrangères. Et quand il aime, il aime.

« L’amour, ça fait mal ». « Oui, mais c’est tout ce qu’on a ». Les répliques, souvent brèves, font mouche. Le texte est une poésie lyrique et désinvolte sur l’amour, tissée avec les mots les plus simples : « je vais regarder tes rêves » dit notre marginal à son adorée qui veut dormir. Joliment, un combat devient danse, en allégorie du couple qui entre en résonnance. Et si la sexualité sans amour est une réponse ludique au désir, n’en déplaise aux spectateurs les plus puritains, l’amour avec un grand « A » est dépeint sans mièvrerie et avec force. Il s’impose et chamboule tout. Il a même raison du bon sens, comme le laisse entrevoir la vidéo qui conclut le spectacle, avec les images surexposées d’un bonheur familial conventionnel et sans fard dans des paysages urbains devenus décors. Le format super 8 souligne, avec un rien de nostalgie, le caractère fragile de ce vertige.

Alors oui, quelque chose est possible. Est-ce du théâtre ou de l’amour ? Qu’importe puisqu’il est bon de vivre et l’un et l’autre…


 

« Tout est mystère dans l’amour »

Par M.F. L.


Librement inspirée de « Minnie and Moskowitz » de John Cassavetes, cette comédie « Quelque chose de possible » est présentée au théâtre de l’Onde à Vélizy. Aurélia Guillet assure la mise en scène et une très belle interprétation de son personnage aux côtés de : Anne Cantineau, Miglen Mirtchev, Philippe Smith et Jérôme Castel, musicien au plateau.

C’est une représentation très sensible sur la solitude, le besoin, l’envie d’amour « vrai »… et la difficulté de s’y abandonner : « arrête de penser ! », dit l’homme. Sur scène, évoluent le couple, de milieu social différent l’un et l’autre, l’amie, et le clochard ancien chanteur. Ce dernier, « l’ange du bizarre » comme il se dénomme, témoin des tentatives de communications entre l’homme et la femme, observe, commente et chante. Le texte plein d’humour et de poésie : « l’amour pour atteindre les nuages », est parfois inattendu dans sa simplicité et sa sincérité ; il est remarquablement porté par les acteurs. La guitare du musicien, à la présence discrète, accompagne les émotions de chacun. Les décors, sobres reflètent la morosité et la médiocrité des lieux de vie des personnages ; ce n’est pas pour autant un spectacle sombre, la scène où la fuite de la femme devient danse échevelée du couple, l’atteste. Des moments expriment la révolte, la colère, l’impuissance dans une explosion de lumières éblouissantes, des corps à corps, de la musique percutante ; d’autres alternent avec des temps calmes, musique en accord, et les chants magnifiquement interprétés par la voix rocailleuse du clochard rejointe par une femme à la voix très mélodieuse, un enchantement… (Dommage que les paroles soient en anglais ! Référence à l’œuvre de Cassavetes ?) Les vidéos nous transportent dans des rêves de grands espaces, de paysages flous… et de vie familiale…

Un beau spectacle, finement interprété, mais la question reste posée : ce quelque chose est-il possible !


 

De la peur de soi, à la peur de l’autre

Par Arlette


S’inspirant librement d’une comédie de John Cassavetes, Aurélia Guillet et David Sanson nous proposent un spectacle audacieux mêlant théâtre, vidéo et musique. Dans une mise en scène plus cinématographique que théâtrale, la bande son, interprétée en direct sur la scène par Jérôme Castel, est le fil rouge qui permet au spectateur déstabilisé par l’étrange organisation du plateau, de suivre les hésitations, les troubles et questionnements de deux trentenaires en quête d’amour.

Saluons l’interprétation de Philippe Smith qui parvient à faire aimer son personnage de looser plein de bon sens et celle d’Anne Cantineau dans le rôle de l’amie douce et lucide tant dans le jeu que dans le chant. Il y a bien des longueurs dans cette pièce qui aurait pu avoir pour titre « le difficile art d’aimer » mais aussi des moments de grâce et c’est ceux-là que nous retiendrons.


Les textes appartiennent à leurs auteurs. Toute reproduction est interdite.