la boîte à mots, le jeu : septembre 2017

oct 2017 -
Si les mots avaient des ailes

Voici les 3 mots de septembre 2017 :  ESPOIR – VERT – PLUME


voir les règles du jeu ici


 

Voici les textes que nous avons reçus :



 

Retour à Tialanta (Susan)

Me voilà de retour à Tialanta après cinq ans d’absence. Tialanta, à trois heures de piste de la plus proche métropole, est accessible uniquement pendant la saison sèche. Mon métier m’oblige à parcourir le monde entier et à séjourner dans les plus grandes villes de la planète. J’ai donc peu de temps libre pour faire une virée dans les montagnes, même pour aller « chez moi ». Aujourd’hui je viens pour aider ma mère à fermer définitivement sa maison et descendre dans la vallée vivre à côté de ma sœur ainée. La vie à Tialanta est devenue trop difficile pour ce petit bout de femme de quatre-vingt dix ans. La lumière étincelle à travers les feuilles encore vertes malgré l’approche de l’automne. En dépit de la fraicheur ambiante le soleil me réchauffe le corps et caresse ma peau. Le ciel bleu cobalt, pur et lumineux, témoin de l’absence tout pollution. Je réalise que j’ai oublié mes lunettes filtrantes. Ma mère nous attend sur le pas de la porte. Les cartons contenant ses maigres affaires sont bien ficelés devant la petite maison. Tout entrera sans difficulté dans la camionnette louée pour l’occasion par mon frère. Elle porte sa robe de coton gris transparent, tellement usée par des lavages répétés qu’elle ondule dans le vent, légère comme une plume. Quelques vieilles dames sont venues lui dire adieu. Elles l’embrassent solennellement et me saluent d’un geste de la tête. J’en reconnais certaines. Certaines ne sont pas là. Mortes ou déjà parties dans la vallée…je ne sais pas. Nous montons dans la voiture, ma mère derrière, entourée de ses cartons, reliquats de sa vie passée. Je m’installe à côté de mon frère. Nous partons sans un regard en arrière. Je suis pressée car je dois être à New York demain pour une séance photo.


(Corinne P.)

Décor sinueux
Vert comme l’espoir
Plume de canard


Les Marches de L’Espoir (Patrice)

J’ai grandi dans l’Espoir –
L’Espoir de voir aussi loin que le ciel,
L’Espoir de voir par milliers mes idées, mêlées à du fiel –
Cette idée de s’enfoncer dans le noir…

J’ai grandi d’abord sans Espoir –
Sans Espoir de voir pousser mes jambes,
Qui étaient trop petites pour m’élever dans le soir –
Elles étaient plus petites que mes idées, elles étaient amples –

Alors je me suis mis au Vert –
J’ai décidé de m’enfuir dans la forêt qui renfermait ma terre,
Elle était petite, nonchalante, et assoiffée d’eau,
Mais déjà je la récitais dans des vers, mes mots –

Je décrivais : « Mon fils de poignard »,
A qui j’enseignais à se battre et à préserver les siens ;
Je devais être béni des dieux, pour éviter de tomber dans le bagnard –
Mais ce fils que j’avais enfanté, saurait-il garder nos liens ?

C’était là ma question, celle qui me trottait,
Car j’envoyais des signaux – quand j’étais ado,
Je me mis à découvrir la vie, plurielle et remplit de do,
J’écrivais ma musique, entre sport et amis, tout me venait…

J’étais amoureux, mais sans embrasser,
J’étais excité par tant de futures ambitions –
Je les avais nouées dans mes rêves que je brassais,
Mais à défaut de me faire nager, elles sont devenus des manipulations…

Je me mis alors, à jouer puis à écrire,
Et ma Plume jaillit dans l’extravagance –
Elle était acerbe et mes rôles, loin du rire…
Je découvrais des textes emprunts d’une telle puissance,
Que de les jouer me faisait mourir –
Il y avait tellement de fusion, d’émotions et de fulgurance,
Que j’en perdais peu à peu le sourire…
Alors, ma Plume me sauva –

D’abord dans la poésie, puis naquit des pièces,
A la fois politiques et romanesques,
Elles étaient mon foisonnement, mon sauna…

Et si cette Plume se fabriquait son aura –
Entre tumultes et idéal, comme une arabesque,
Elle pourrait tracer un sillon, une fresque,
Entre ce monde nouveau dans lequel nous nous jetons
Et celui de nos ancêtres que nous chérissons,
Ou bien que nous fuyons…

Verte est ma Plume pleine d’Espoir
Rose sont mes mots dans le soir
Et jaune est mon soleil pour recouvrir nos trottoirs
Puis s’effacer dans le noir…

 


Message (Caroline)

D’où viens tu jolie plume ?
Tu te balances mollement, bercée par la brise…
Tu paresses en planant doucement sur un souffle léger, un soupir…
D’où viens tu ?
Quel oiseau t’a perdue ?
Tu n’appartiens pas à une pie ! … trop tranchée, trop rigide dans sa livrée de majordome…
Pas non plus à une perruches voyageuse échappée de sa cage…
Tu n’est pas tombée d’un aigle ? Non non, avec son regard perçant il t’aurait repérée et récupérée.
Rien n’échappe au seigneur des cimes
Un poussin peut être ?
Trop petit il n’a que du duvet ….
De quelle aile ou queue t’es tu échappée ?
Pas d’un paon, si fier de son panache … bleu vert rouge… un vrai feu d’artifice !
Trop orgueilleux celui là !
Alors d’où viens tu jolie petite plume blanche ?…..
Mais oui ….. ça y est …….je sais !
Tu t’es détachée des ailes d’un ange pour venir, gentille vagabonde, te poser sur ma main et m’apporter un message d’espoir.
Merci mon ange …..


Espoir (Colette)

Il ne faut jamais perdre espoir,
Le destin peut bien changer le cours
De la vie au long de son parcours
Laissez le faire son bon vouloir.
Bien sûr on veut connaître, savoir
L’avenir sera-t-il du velours ?
Il ne faut jamais perdre espoir
Le destin peut bien changer le cours.
Il peut-être vert, rose, bleu, noir,
De ma plume j’écris que toujours
Votre vie soit bien pleine d’amour,
Même si l’on ne peut le prévoir
Il ne faut jamais perdre espoir !


L’INTRUSION (Martine)

Captivant ce polar ! Absorbée par ma lecture, je suis soudain interrompue par des cris hostiles venant du jardin.
–    Allez oust ! Partez !
Intriguée, je me précipite sur la terrasse et aperçois Nathan, qui, juché sur sa patinette, dessine de grands cercles inquiétants autour d’un couple de canards échoués sur la pelouse.
–    Arrête mon chéri ! Ne les chasse pas. Regarde comme ils sont beaux ! Ce sont des colverts. Le mâle c’est celui qui a de belles plumes vertes sur sa tête et l’autre, plus petite au plumage beige tâcheté de brun, c’est la femelle.
–    Je m’en fiche, je veux qu’ils partent. Ils vont tout salir comme chez Tata Roseline.
Je suis brusquement prise d’un fou rire incontrôlable. Il faut bien avouer que tata Roseline n’est guère regardante sur la propreté de sa ferme. Ses animaux déambulent librement du matin au soir et se soulagent régulièrement dans la cour ou sur la terrasse qu’elle ne juge pas utile de nettoyer. Nathan, qui en a fait les frais le week-end dernier en ramassant un « cadeau » sous sa semelle, n’a apparemment pas digéré l’incident.
Tout à coup, le couple de canards émet des « kreep » mais aussi des « rab-rab » indiquant à Nathan qu’il les dérange dans leur période nuptiale. Quelques secondes plus tard, le mâle se lève, étend ses ailes puis prend son envol. Aussitôt sa compagne le suit. Dans un vol harmonieux, le couple s’éloigne pour ne devenir qu’un point noir dans l’horizon.
Satisfait, Nathan se tourne vers moi et me dit :
–    Ouf ! Ils sont partis.
–    Tu n’as pas été gentil avec eux. Ils recherchaient juste un endroit tranquille pour se reposer avec l’espoir d’être accueillis chaleureusement.
–    T’es sûre ? Ils reviendront peut-être demain alors… Dis ! Ils reviendront ?
–    Je ne sais pas. Mais s’ils reviennent, tu ne les chasseras pas cette fois-ci.
–    Non. Promis, tu as ma parole.
Ah mon galopin ! Il a bon fond finalement…


« PAPILLON DU SOIR, ESPOIR » (Hélène Lauruol)

Espoir … Après le chagrin vient l’espoir ? ça me fait penser au dicton « araignée du matin, chagrin » alors pourquoi pas « papillon du soir, espoir » … Oh, de l’espoir, j’en ai toujours eu. Je suis plutôt optimiste, le verre toujours à moitié plein et non à moitié vide. Quand ça ne va pas, je me dis que demain sera meilleur et puis voilà. Notez bien que des ennuis, je n’en ai jamais eu de trop sérieux. La perte de mon chien peut-être, empoisonné par les voisins -il faut vous dire qu’on ne s’entend pas très bien, mais faire payer les animaux, c’est moche tout de même- ou encore la fois où je suis resté coincé l’après-midi entier dans l’ascenseur de l’immeuble. Non, vraiment, je n’ai pas à me plaindre, je mène mon petit bonhomme de chemin. Je travaille au supermarché de mon quartier comme gondolier. Vous savez, ça consiste à mettre en rayon la marchandise une fois déballée. J’ai fait successivement le bébé, les laitages, les alcools, les fruits et légumes et tout récemment j’ai été promu au rayon femme ! Au rayon alcool, je n’avais jamais froid, mais fallait pas se faire gauler au moment de la petite lampée. Le rayon bébé, c’était attendrissant ; moi qui n’ai pas d’enfant, je suis désormais imbattable sur les modèles de couches, rapport au poids du marmot. C’était pas mal d’ailleurs comme entrée en matière avec les jolies mamans débutantes. Le seul problème étant que je n’arrivais jamais avec elles à aller au-delà des préambules parce qu’elles décampaient aussi sec une fois totalement informées du taux d’absorption, de la taille et des élastiques antifuites. Les fruits et légumes, c’était le cauchemar : je m’escrimais à faire de jolies pyramides, des belles présentations et paf ! ces dames me fichaient tout en l’air, ayant décidé que l’orange ou la courgette la plus belle, celle qui présentait le mieux était non pas au-dessus mais en-dessous. Excusez-moi messieurs dames mais c’est le cas de le dire, à ce rayon, j’en ai vu des vertes et des pas mûres ! Quant aux laitages, quel ennui : il fallait rigoureusement vérifier chaque jour les dates limites de consommation et éliminer celles trop proches. Alors « la femme », s’occuper du « rayon femme », c’est le rêve ! Le top, c’est le déballage de la lingerie : un poids plume tout ça alors ils exigent de vous de la délicatesse, du doigté, il ne faut rien salir ou froisser. J’ai vite appris ! Ah ça m’a ouvert des perspectives, moi qui suis plutôt réservé vis-à-vis des femmes. Maintenant quand j’en vois une dans la rue, à l’œil comme ça, je peux vous dire à coup sûr si elle fait du bonnet A, B, D ou encore F. A la Saint-Valentin, c’est la folie. Le magasin se fait livrer une variété assez incroyable de petites nuisettes, culottes affriolantes ou encore petites mules d’intérieur. Il faut qu’ils mettent le paquet parce qu’à cette époque-là le chiffre d’affaire sur ce rayon double. Je suis comme sur un petit nuage, des étoiles plein les yeux de côtoyer toutes ces belles choses que je n’ai pas les moyens d’acheter. Et pour les offrir à qui d’ailleurs ? Mais vous me connaissez, je ne désespère jamais. Alors peut-être rencontrerai-je un jour une gentille petite pour laquelle j’économiserai afin de la gâter un peu : « Papillon du soir, espoir ».



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