EMBARQUEMENT

juil 2015 -
Si les mots avaient des ailes

Par Colette Kirk

Un port au sud-est de l’Angleterre dans les Cornouailles en ce 5 juin…

La mer est calme, le bleu du ciel se confond avec les flots ! Au bout de la jetée veillant sur la rade et la flottille des bateaux de pêches se dresse le phare.

Mais aujourd’hui…

Elle est là, au bord du quai, regardant s’éloigner le croiseur qui emporte celui qui peut-être ne reviendra pas. Autour d’elle, une noria de véhicules jeeps, camions et blindés s’engouffre dans les soutes des bâtiments de débarquement prêts à partir la proue pointée, tous vers la même destination…

En ce début de mois, l’été déjà bien installé offre un ciel sans nuage, une douce chaleur qui dans d’autres circonstances laisserait croire que les vacances sont proches. Face au port, sur la place, des maisons basses sont construites en pierres grises du pays et d’autres ont des façades blanches. La devanture d’une boulangerie, elle, est rose. Les terrasses des cafés sont prises d’assaut par une multitude d’hommes de tous grades en uniforme kaki qui se rafraîchissent de quelques derniers verres avant de ramasser leur paquetage et de se regrouper sur le quai en attendant d’embarquer dans les barges qui les mèneront à bord des bateaux de transport ancrés au large. L’horloge d’un clocher égrène ces longues heures d’attente.

Elle est dans cette foule venue saluer ces combattants et surtout les encourager.

Mais là-bas, à l’horizon, le ciel s’assombrit, de gros nuages noirs s’amoncellent en avançant rapidement vers le port. Un orage approche, déjà quelques vagues se soulèvent et viennent battre le quai. Venant du large, des effluves étranges, indéfinissables font penser à une marée montante. Le vent s’est également levé gonflant, telles des voiles, les stores des terrasses. Quelques gouttes de pluie et la foule se disperse cherchant à s’abriter. La pluie s’intensifie martelant les casques des centaines de soldats qui attendent les ordres.

– Rassemblement ! En colonne par un !

Sans arrêt, des barges vont et viennent embarquant des troupes.

Maintenant c’est un déluge qui s’abat sur la ville, la mer est démontée. A bord, les hommes sont sans doute malades, même les gros bâtiments tanguent.

Là-bas, au bord du quai, elle regarde toujours vers l’horizon. La pluie ruisselle sur ses joues et se mêle aux larmes !

Demain sera le « J »

Colette KIRK

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