Textes de nos adhérents

Février 2022 ( texte paru dans le journal de VA)

AU PARC DE VERSAILLES

Tout à fait par hasard, derrière le kiosque à musique, je l’ai repérée mais elle s’est éloignée en traversant la pelouse qui mène au grand canal.

J’ai passé une nuit épouvantable à me reprocher de n’avoir pas été plus vif. J’aurais tout de suite dû me manifester pour qu’elle me voie. Me faire admirer, c’est quelque chose que, normalement, je sais faire.

Le parc est immense. Le lendemain, j’ai pris mon courage à deux mains et me suis dirigé vers des endroits que je n’avais encore jamais explorés. J’ai ainsi découvert le Trianon et le hameau de la Reine.

Je marchais, indifférent à celles qui, hier encore, attiraient mon regard et suscitaient mon intérêt de jeune séducteur.

Après plusieurs jours de recherches, elle m’est enfin apparue au pied d’une statue de Cupidon. J’eus le souffle coupé, un prétendant était à ses côtés.

Je suis resté impassible, cherchant le moyen d’écarter l’intrus. Je devais vaincre sans combattre et séduire sans choquer.

Je me suis avancé à grands pas afin qu’elle me remarque. Nos regards se sont croisés, aucun n’a baissé les paupières. Plus rien n’avait d’importance, sauf la conquérir aux dépens de ce jeune trouble-fête.

J’ai levé mon cou bleu et lui ai fait face ostensiblement en déployant mes ailes. J’ai répété ma parade et elle s’est approchée de moi, écartant mon rival.

J’ai agité mes plumes pour qu’elle ne me quitte plus des yeux.

Elle m’a élu.

Croyez-moi ! La vie de paon n’est pas facile au château quand il faut charmer celle dont on est amoureux.

François

Janvier 2022 ( texte paru dans le journal de VA)

ON VOUS SOUHAITE UNE BONNE ANNÉE

On vous souhaite de passer d’excellentes fêtes de fin d’année ;

Ne vous privez de rien, profitez de vos proches et festoyez.

Vous avez gagné un cadeau, après cette année compliquée,

Oui, vous avez décroché le gros lot :

Une carte blanche vers la liberté,

Surprise que nous vous offrons ! (À utiliser sans tarder).

Si vous voulez mon avis, elle est à consommer dès maintenant !

On vous explique comment l’utiliser :

Un, deux, trois, on respire par le nez,

Haine, orgueil et préjugés, sont à jeter,

Aujourd’hui, on ouvre son cœur,

Invitons l’amour, la joie et le bonheur,

Tous ensemble, n’hésitons plus un instant,

Et devenons tous écrivain, juste un moment.

Une lettre pour cette personne qui vit seule, loin de tout,

Nouvelles, photos, souvenirs, envoyons un peu de nous

Et partageons, même à distance, des moments tout doux.

Bien, vous aurez compris, en cette période de pandémie,

On attrape son plus beau stylo pour raconter sa vie,

N’hésitez pas à choisir un papier joliment décoré,

Ni doute, ni pudeur : tout le monde peut participer,

Enfants, adultes, chacun peut écrire ou dessiner.

Alors dès à présent, tous ensemble, rédigeons pour nous libérer ;

Notons sur nos feuilles, nos désirs de bonheur, nos souhaits,

Nos plus beaux messages pour ces êtres bien-aimés,

Éloignés ou proches, posons nos vœux par écrits

Et redécouvrons le plaisir de partager avec nos amis.

Coralie Ferry

Avril 2021

Eau d’artifice

Mon frère et moi avançons vers l’ouest, planche à la main, tongs aux pieds. Nos orteils ne touchent pas encore le sable que les senteurs iodées emplissent déjà nos narines.

L’océan impose son atmosphère pour avertir que s’approcher du bord de terre c’est se frotter au bord de mer. A marée haute, l’océan se déchaîne et se bat avec les rochers. Ces braves résistants, sur la défensive, s’érodent dans cette lente guerre. Les vagues enragées et baveuses d’écume s’acharnent sur la pierre.

De ces mêlées naît le feu d’artifice marin.

Porté par le vent, il se nomme l’embrun.

C’est le premier coup que mon frère et moi recevons lors nos batailles aux côtés des Rochers Militaires, aux motifs roses et verts.

La mer s’est retirée à présent. Une forte odeur de marée émane des algues en avant garde. La plage en est embaumée, c’est son territoire. Cette trêve sera de courte durée.

À l’abri sur une dune,

nous profitons du moment,

avant le retour de l’océan,

encouragé par la lune.

Aymeric

La paire de boucles d’oreille

Un pas en avant, un pas en arrière. Il y a ce regard perdu, mais aiguisé. Captivée, on est là dans la caverne d’Ali Baba. Le temps s’arrête pour laisser faire. Le sourire de la vendeuse encourage à revenir vers elle, le moment venu. On replonge vers ces vitrines précieuses. Et si ce n’était pas notre style ? Pourtant qu’elle est belle ! Sa rivale, la paire de boucles d’oreille plus discrète crie déjà victoire. Mais non, on se refuse à elle. On ose ! Allez savoir pourquoi l’élue a flirté avec votre regard depuis le dehors. On la pointe du doigt.

– Vous voulez l’essayer ?

La vendeuse approuve la beauté du lobe d’oreille ainsi paré.

– Je vous fais un paquet cadeau ?

– Bien sûr !

Alors elle déploie des gestes délicats, l’enveloppe d’un papier de soie bleue, la glisse dans une pochette ceinte d’un ruban argenté qu’elle tend, enfin. On sort de la boutique, pressée d’être devant son miroir. Oh ce beau miroir flatteur ! Il dira combien cette fois-ci, encore, nos lobes d’oreille ainsi ornés nous font un visage de reine de Saba.

Patricia

 

Janvier 2021

FABLES EXPRESS

Lévi possède un verger

Passe-Crassane et Conférence

Obtiennent sa  préférence

Il vend tous ses fruits au marché

Moralité :

Tant qu’il y a Lévi, il y a des poires.

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Une épouse niaise et un peu forte

Languissant après son distant époux

Fatiguée d’attendre, claqua la porte

Pour, seule, rejoindre son natal Poitou

Moralité :

Tant va la cruche solo, qu’à la fin elle se casse.

 

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Un buffet pour faire bombance

À la table, un juriste

Sans doute pour une urgence

À mi- repas, il s’éclipse

Moralité :

Hôte avoué est à demi ballonné.

 

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L’associé est un grand fumeur

Des cibiches sans filtre, il grille

Un brin de tabac par malheur

Au fond de sa gorge frétille

Moralité :

Chercher une brindille dans une glotte d’adjoint.

Monique Berlinguet

 

 

Décembre 2020

LIVIA

Trolly, responsable du service de lecture des courriers reçus par le Père Noël, avait été particulièrement touché par les quelques lignes qu’avait écrites cette petite Livia, fille pauvre du sud de la Roumanie. Depuis peu, la grande misère de sa famille avait été accentuée par la perte de leur seule vache qu’une meute de loups avait dévorée.

Alors aussitôt, sans en toucher un mot au Maître des lieux, il consulta la harde de rennes et mit à contribution ses compagnons lutins qui, de suite, manifestèrent leur enthousiasme pour cette noble cause quelque peu périlleuse.

Dans l’usine à jouets sous pression en ce mois de décembre, le soir après les longues heures de travail, ils s’appliquèrent à fabriquer une poupée plaquée d’or couverte de vêtements de satin et de soie. Ils réalisèrent une merveille qu’aucune enfant n’avait jamais comptée parmi ses plus belles collections.

Le Père Noël venait de rentrer de sa tournée en Océanie et, fatigué, s’était assoupi avant de partir déposer ses cadeaux dans toute l’Asie.

Trolly se saisit du cadeau, le posa sur le traineau qui, après quelques coups de lanières sur la croupe des animaux, décolla vers les Balkans.

Les yeux écarquillés, et malgré la brume matinale, le lutin admirait les paysages en survolant la Finlande, les pays Baltes puis la Pologne avant d’arriver à destination.

Fébrile mais heureux, il se dirigea vers la porte de la maison de l’enfant et déposa le paquet.

Alors qu’il regagnait son carrosse, l’apprenti elfe constata que l’un des rennes avait rongé sa bride et se dirigeait vers lui pour lui chuchoter à l’oreille :

-Je vais rester ici. Cette enfant a autant besoin de ta poupée que ses parents de moi. Père Noël te pardonnera ce voyage inopiné et, je n’en doute pas, adhèrera à ma décision. Adieu Trolly et sois fier de toi.

François