La boîte à mots, le jeu : février 2018

mar 2018 -
Si les mots avaient des ailes

Voici les 3 mots de février 2018 :  bible, chiner, amour


voir les règles du jeu ici


Voici les textes que nous avons reçus :



Souvenirs (Caroline)

J’ai retrouvé, l’autre jour, coincée, entre les livres de ma « bibliothèque » la bible que mon pasteur m’avait offerte pour consacrer ma communion. Communion que j’avais faite surtout pour revêtir une jolie robe blanche assortie d’un voile vaporeux.
Lors des petites processions (j’allais dire défilés) des fillettes, j’y ai vu des œuvres d’art , car certaines mamans faisaient rivaliser d’élégance leur enfant !
Je me souviens, rétrospectivement de la finesse des multiples petits « plis religieuse » et des cols garnis de fronces légèrement amidonnées pour garder leur gonflant neigeux.
Les garçons  eux  arboraient leur premier petit costumes « d’ homme » mais orné d’une sobre aumônière à franges.
Peut être, en chinant, lors d ‘un vide grenier ,aurais je la chance de trouver une de ces robes en organdis défraichi conservée avec amour par une grand mère aujourd’hui décédée !
Ouvrir cette petite bible au papier si fin que lorsque l’on tourne les pages on croirait froisser de la soie m’a fait (pour un instant émouvant) replonger dans mon enfance !


AU MARCHE GEORGES BRASSENS (ELENI)
« Bible » ! Par excellence le mot hors quotidien ! Celui qui se démarque, comme dans le jeu des différences. Son emploi reste parcimonieux. Un halo flotte autour de lui comme pour porter au respect. Il s’annonce dans la conversation avec un verbe plus haut et élogieux : « Non franchement tu verras, c’est LE fin du fin, L’incontournable, LA référence, LA bible. Si tu n’achètes qu’un livre, c’est celui-là. »
Lorsqu’il s’agit des Écritures de l’Ancien et du Nouveau Testament, on touche au sacré et le terme est alors orné d’une majuscule : il devient « la Bible». Traditionnellement offerte à la première communion, force est de constater qu’elle est souvent remisée dans un coin. De nos jours en effet, qui prend le temps de se plonger dans la Bible ? Rares sont ceux qui en ont dévotement une en main et en pratiquent une lecture assidue. Ou alors des ersatz de Bible, des condensés du dimanche, avec la lecture du jour accompagnée des éclairages nécessaires, histoire de décrypter un peu plus facilement les enseignements censés en découler. Cela relève en effet d’un immense effort, d’une sorte de défi que de s’abstraite de notre quotidien trépidant pour faire une immersion dans ces sortes d’écrits, à moins d’être retiré dans un monastère ou tout autre lieu s’y prêtant d’avantage.
Alors, en dehors de la Sainte Bible et faute de temps, les hommes se sont inventé pour leur quotidien, des tas d’autres bibles : des condensés, des résumés, sur un sujet ou un autre, qui leur donnent l’impression d’être gagnants, en maîtrisant l’essentiel dudit domaine en seulement quelques heures de temps. Je ne fais pas exception à la règle et possède chez moi comme beaucoup de mes contemporains, certains spécimens représentatifs du genre : « Ma bible des huiles essentielles », « Comment démarrer son potager en vingt leçons », « Condensé du taxidermiste débutant » ou encore « le B-A BA du petit bricolage ».
Je broyais plutôt du noir cet après-midi-là. Ces dernières semaines avaient été ponctuées de disputes presque quotidiennes avec Christine. Elle me reprochait d’être fuyant, de moins m’impliquer dans notre couple qu’auparavant, de me soustraire à la discussion ; ce qui aurait permis disait-elle, d’y voir un peu plus clair dans notre vie à deux et de peut-être trouver des solutions. Cela faisait dix ans que nous étions mariés et notre amour n’était pas remis en cause mais il nous appartenait de négocier au mieux ce tournant délicat.
Je décidai pour me changer les idées d’aller dans le quinzième arrondissement de Paris, chiner au marché Georges Brassens du livre ancien et d’occasion. Comme pour fuir à nouveau la réalité, mon inconscient me dictait qu’il devait bien exister un livre qui me servirait la solution toute prête sur un plateau ! Je flânai un bon moment chez un bouquiniste spécialisé en bandes dessinées, ce qui était une bonne entrée en matière pour lâcher prise ! Puis je parcourut d’autres éventaires donnant plus dans la littérature et la fiction. Je poursuivis mes déambulations, feuilletai quelques très beaux livres d’art lorsque mon œil fut happé vers l’étalage voisin, par un titre négligemment fourré dans un cageot au sol : « Relancez votre couple », dans la collection « Pour les nuls ». Miracle ! Pourtant je possédais déjà à la maison, « La culture générale pour les nuls : vite et bien » mais n’avais juste pas eu l’idée de piocher dans cette série-là. J’empoignai aussitôt le précieux livre et m’empressai de payer : deux euros. Mon couple valait largement ce prix-là ! Je rentrai chez moi en hâte, anxieux. Le spécimen renfermait-il vraiment de quoi concocter un nouvel élixir d’amour à deux ? Le fait qu’il ait atterri au milieu des autres rebuts d’une ancienne caisse à légumes n’était au fond pas du meilleur présage quant à ses pouvoirs de régénération du couple … il n’existait d’ailleurs peut-être pas de bibles pour tout … Sinon, je me promettais de mettre enfin mon nez dans La Bible, la vraie. Avec cet Adam et cette Eve, je devrais bien trouver des pistes. C’est comme si j’entendais déjà Christine me dire : «Mais mon pauvre ami, regarde-toi ! Elle est là ta solution.»


La joie prolonge la vie (Corinne P.)
Mon grand-père répète souvent : « Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir ». Sa stature de géant, ses cheveux blancs, sa barbe hirsute et ses yeux bleus pétillants qui illuminent son visage, le rendent irrésistible. C’est vrai que c’est un homme généreux, toujours prêt à rendre service et à tendre la main aux amis et voisins.
Mais c’est aussi un homme malicieux qui a ses petits secrets et quand sa femme, l’interroge sur ses sorties avec ses bons copains, il réplique toujours : « Un homme qui se tait, est un homme prudent ». Toutes ces formules agacent un peu ma grand-mère bien sûr, mais elle raffole de son sens de la répartie qu’il puise dans sa bible, toujours à portée de main sur sa table de nuit.
Ils sont mariés depuis bientôt cinquante ans et l’amour des voyages a jalonné toute leur longue existence. Les trésors chinés aux quatre coins du monde envahissent leur maison. C’est une vraie caverne d’Ali Baba que nous explorons avec bonheur, mes cousins et moi lors des repas de famille. Leur bonheur à eux, c’est de nous voir curieux de tout et plein de vie. C’est pour cela qu’ils nous répètent à chaque fois que nous sommes réunis : « La joie prolonge la vie ».


LA CONTREPARTIE (Martine)

– Dieu n’est qu’amour ! déclame le prêtre devant l’autel.
– Pff ! songe Mariane. Il faudrait déjà qu’il existe !
Elle jette furtivement un œil à Pauline sur sa droite. Son amie écoute pieusement le messager de Dieu, sa bible religieusement ouverte sur ses genoux.
– Quelle idée j’ai eu de l’accompagner ! soupire-t-elle.
La messe dominicale terminée, les deux amies quittent le parvis de l’église et s’éclipsent vers leur voiture.
– Tu vois, ce n’était pas si sorcier de m’accompagner à l’office ce matin, lance Pauline un brin ironique.
– Ne te méprends pas ! Je t’ai juste accompagnée pour te faire plaisir un point c’est tout ! Ne compte pas sur moi dimanche prochain.
Pauline sourit. Elle n’arrivera définitivement pas à convertir Mariane à la religion ! Arrivées près de leur voiture, elles découvrent un flyer sur le pare-brise.

« SAINT PÈRE MARC-EN-POULET
BROCANTE DE PRINTEMPS
DIMANCHE 1ER AVRIL
Venez nombreux»

Aussitôt les yeux de Mariane pétillent. Dans un élan, elle se retourne vers Pauline:
– Ça te dit de venir chiner avec moi ? Je recherche un vieux moulin à café depuis un moment pour enrichir ma collection.
– Bof ! Les vieilleries, tu sais ce n’est pas mon truc ! Je veux bien faire un effort si tu m’assures que nous serons rentrées pour mon feuilleton tout à l’heure à la télévision.
– T’inquiètes ! Tu le verras ton feuilleton, ironise Mariane. Allez ma Pauline ! En voiture.


L’Amour, plus fort (Patrice)

C’est fou c’que ça fait du bien !
Je veux dire de penser à rien, ou si, à l’Amour,
L’Amour que l’on a fait sans compter, rien,
Et qui nous brasse vers l’Infini, ou les tours…

Ces tours, où tu m’as mis KO,
A trop vouloir mes mouvements du dos,
Comme des va-et-vient au plus profond de tes entrailles,
Comme des va-et-vient mugissent plus fort que des rails.

J’ai beau aimer ce son que tu fais,
Lorsque je découvre tes passions démesurées :
C’est comme au beau milieu d’un miroir et des fées,
Qui enchanteraient ce toit, qui nous couvre, mesuré…

Et que j’aime chiner ou déchainer tes cuisses,
Elles sont le reflet de ta peau, dans laquelle tu luis,
Et pour m’éclabousser de tourments, je suis sans parapluie,
Tu m’exhibes au vent, ça me rend fou, mes sens bleuissent.

« Quand on a fait l’Amour, comme d’autres font la guerre »
J’ai comme des envies de toujours partager, naguère :
Naguère, qu’est-ce qui était mieux ?
Je m’étonne, devenir pieux…

Mais c’est dans cette âme, par trop bouleversée,
Par cette machinerie, liens indéfectibles, qu’est la vie ;
Que je me suis complu à vivre de versets
Solidement déversés
Et que tes trésors enfuis dans la pénombre de l’envie,
N’ont pas su ralentir tous mes appétits…

Je t’ai fait l’Amour, oui tu criais plus fort,
Que de tous mes mouvements, seul celui de mes reins,
Te faisait oublier ta venue et que j’étais comme ce château fort,
Que l’on accable d’assaut mais qui sort, en son sein :
La Victoire, le Génie…
Nous étions des âmes trop seules et manquant de penny…

Maintenant que seule la lecture de la Bible,
Me plonge au tréfond de ton cœur,
Maintenant que mêmes tes pleurs me sont plus pénibles,
J’aimerais que ce poème te rende le bonheur…

Le bonheur de milliers de sentiments, qui me viennent,
Pour exprimer que près de toi c’était sans cesse La Vienne :
Comme un fleuve qui ne tarit jamais, tu enivres mes baisers,
Comme un fleuve qui jamais ne tarit, tu rendais tout aisé…

Tu étais facile et mon plaisir docile,
Tu me faisais plaisir et je riais, mes cils,
Mes cils étaient peints de bienfaisance
Et mendiaient les chemins de mon aisance ;

Cette aisance quand je récitais La Bible, le Christianisme
C’était mon seul moyen de chiner tes pensées,
D’y dénicher tes pourtours dépensés,
Par tant de mouvements qui se fondaient dans ton prisme.

Ton amour me tue, me terrifie,
J’étais enjoué par tant de lyrisme, ta peau,
Et que m’apportes-tu, tout au creux d’un troupeau ?
Tes cris qui me torturaient comme de la hifi…

J’avais envie de tes sons, étouffés,
Comme tu mangeais mon cou, déchiqueté,
Tu sentais bon : la mer, la terre, toute bouffée
Et comme je riais, dans tes yeux, étiquetés…

Tu me faisais voir les chemins que j’aspirais,
Sans oser les comprendre,
Tu me faisais voir ces chemins que je respirais,
Sans plus me méprendre,
Et j’étais pris par tes vices insensés :
Tu me brûlais l’orifice, encensé ;

C’était comme une litanie, une prière exaucée,
Je sentais mes réflexes abrutis, comme réhaussés,
Et nul n’aimait plus que moi, ton regard bleu,
Il était plus profond, que dans l’ensemble des cieux,
Et ça m’animait encore et encore,
Pour te faire l’Amour, plus fort, plus fort…


Coïncidence (Colette)

« J’adore les quais de la Seine, la mine sereine des petits marchands… » qu’interprétait Lucienne Delyne en 1949. Depuis toujours, moi aussi, j’aime flâner auprès des petits bouquinistes vendant tant de trésors cachés. Mais il faut savoir chercher et découvrir la pièce rare qui manque à une collection.
Chiner, chiner encore dans les invendus de livres, gravures, timbres, pièces de monnaie, cartes postales… Fouiller dans les éventaires posés sur le mur du parapet où nombres de petits objets ont été cédés pour quelques piécettes en attendant d’être revendus.
Cet après midi de printemps, je me suis promenée dans les Jardins du Luxembourg, l’air embaumait le parfum des fleurs. Maintenant je descends le boulevard Saint Michel. Je fais une halte à la fontaine, puis je me rend Quai Saint Michel.
Assis sur des pliants, fumant leur pipe, les vendeurs attendent tranquillement le passant qui viendra fouiller dans ses articles et qui probablement repartira sans rien acheter. Qu’importe le prochain peut-être trouvera son bonheur.
Je ne cherche rien de précis, mais je m’arrête plus longuement sur les livres. Un roman peut-être…
Mon regard est attiré sur la brochure de l’un d’eux il est relié de cuir. Je le dégage et m’aperçois que c’est une bible ancienne. C’est étrange elle me rappelle quelque chose, mais je n’arrive à savoir quoi ! Je l’ouvre et feuillette quelques pages. Là surprise, je trouve une enveloppe contenant une lettre. L’enveloppe est maculée de taches sombres. J’hésite, mais curieuse je finis par ouvrir ce courrier.Il est daté du 15 avril 1917. C’est la lettre d’un combattant sur le front de Verdun :
Ma douce Marguerite
Je viens d’apprendre que dans quelques jours nous allons avoir une permission. Je suis impatient de te serrer dans mes bras ainsi que notre petit Paul que je ne connais pas. Ici c’est l’enfer, chaque attaque est une hécatombe, chacun de nous se demande « a qui le tour la prochaine fois ». La lecture de tes lettres me donne le courage d’affronter ce cahot. Demain sous les ordres du général Nivelle nous monterons à l’assaut pour une énième fois au Chemin des Dames. Je garde cette lettre sur mon cœur et te l’enverrai à mon retour dans la tranchée près de Craonne. Mon amour adoré et toi petit Paul, je vous embrasse tendrement.
Ton Adrien.
Je retourne l’enveloppe pour lire le destinataire et l’adresse :
Madame Marguerite Lacroix
20 rue Rochechouard
Paris 9ème arrondissement
Quelle coïncidence car je suis une demoiselle Lacroix. Ma grand-mère s’appelait Marguerite, mon père Paul et le grand-père que je n’ai pas connu Adrien. Ce pourrai-il que ce soit la dernière lettre que mamie a reçu après que mon grand-père soit tombé au Champs d’Honneur le 16 avril 1914 à Verdun.
Alors et les taches sur l’enveloppe ?

 



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