Ecriture critique 2015-2016 : (EX) Limen

déc 2016 -
Si les mots avaient des ailes

(EX) Limen  Anne Astolfe – Le Laabo

Ecriture collective LE LAABO
Conception et mise en scène/ Anne Astolfe
Collaboration artistique/ Pascale Fournier
Avec / Prune Beuchat, Gaëtan Gauvain, Bénédicte Guichardon, Guillaume Servely
Lumière et scénographie / Julie-Lola Lanteri
Son / Clément Vercelletto
Vidéo/ Charles Boinot

novembre 2015 –    L’Onde – Théâtre Centre d’Art de Vélizy-Villacoublay (78)



Critiques écrites dans le cadre du projet « Mémoire de scènes » de l’Onde – Théâtre Centre d’Art de Vélizy-Villacoublay

Atelier d’écriture animé par Christophe Candoni, journaliste

Atelier théâtre animé par Catherine Lenne, comédienne et metteur en scène.

Octobre 2015 – Juin 2016



Inemployés au travail

Par M.F. L.


Après Hold On, la compagnie Le Laabo présente à l’Onde, à Vélizy, sa nouvelle création d’écriture au plateau sur le thème de l’entreprise : Ex Limen. L’équipe d’artistes, environ onze personnes toutes professions confondues, est mise en scène de façon remarquable et avec créativité par Anne Astolf.

« Comment raconter sans dire », C’est le défi que s’est imposé le groupe.

Ex Limen signifie, en traduction littérale du latin : « hors seuil », et en langage d’entreprise, « élimination », ou « mise au placard ».

La représentation démarre sur une scène dépouillée : une femme assise, oisive, en attente, en souffrance fait fonctionner à vide une photocopieuse ; sur une cloison le signal « EXIT » est allumé ; un ensemble de percussions puissant, entêtant et des éclairages dont le rythme et l’intensité vont en augmentant et en s’accélérant. Le cadre visuel et auditif est posé, le texte, les mots sont superflus.

Le spectacle, de construction élaborée à partir d’interviews, se poursuit par une succession de tableaux, dans un bureau ou au domicile ; ils ont chacun une signification particulière : jeux de questions-réponses avec élimination, entrevue avec le conjoint, nuit difficile, mantras de motivation, etc… Il s’en dégage une sensation de grand inconfort face à la cruauté du contexte vécu de la « mise au placard ».

Les décors, minimalistes, sont essentiellement composés de cloisons mobiles opaques,  transparentes ou miroirs ; elles sont manœuvrées par les personnages, eux-mêmes manipulés. Les éclairages et les vidéos envahissent l’ensemble de la scène aux rythmes de la musique. Quant aux costumes, ils collent à la vie de tous les jours et aux clichés du monde de l’entreprise : femmes en tailleurs et hommes en chemise bien repassée.

Les acteurs, Prune Beuchat, Gaëtan Gauvain, Bénédicte Guichardon, Guillaume Servely, sobres et convainquant, chacun dans leur rôle, ne peuvent être dissociés de l’ensemble de la mise en scène ; ils réussissent une fusion, une symbiose percutante au service du thème représenté qu’ils font ressentir plutôt qu’ils expliquent.

Une fois le rideau tombé, cette évocation poursuit son cheminement dans votre tête, obsédant. Mais ce spectacle vivant pourrait bien évoluer vers une satire aux effets comiques du fait de l’absurde de la situation présentée.


 

Miroir sans tain pour entreprise sans fard.

Par Arlette


C’est un coté glaçant de l’entreprise que la compagnie LE LAABO souhaitait explorer dans sa nouvelle pièce (EX) LIMEN présentée au théâtre de l’Onde à Vélizy : Au travail, sans travail, ou la mise au placard de salariés. Mais en élargissant le propos, Le Laabo brouille le message… dommage !


 

Ex-Limen : Au travail sans travail, où est le placard?

Par Catherine


Pour leur nouvelle création, Anne ASTOLFE et la compagnie LE LAABO nous emmènent dans le monde du travail avec ses situations et phrases qui laminent. Si la violence des propos et des non-dits happent le spectateur, celui –ci ne touche jamais le fond du placard.


 

Bureau, fais ton office !

Par Alain Lefebvre


Il faut se méfier des questions essentielles surtout quand elles traitent d’un sujet aussi rabâché que l’univers du travail. Anne Astolfe s’y est pourtant attaquée, en se concentrant sur les aspects les plus angoissants de cet univers : peur de l’incompétence, du licenciement, vampirisation de la vie privée, stress, rapports pas toujours cordiaux avec les collègues. Sous ce prisme, le travail devient alors une machine à détruire les êtres.

Que le spectateur soit bien prévenu : Ex-Limen (éliminer en latin) n’est pas une pièce de théâtre conventionnelle avec une intrigue se déroulant d’un début à une fin. Non, on est dans du théâtre expérimental avec une suite de tableaux censés illustrer les moments les plus angoissants de la vie professionnelle de quatre salariés d’une entreprise menacée d’une fusion et de sa charrette de licenciements. Le résultat peut être jugé intéressant si on ne laisse pas trop déconcerter par cette curiosité formelle.

Autre curiosité, les dialogues, fruit d’une écriture collective élaborée au fil de l’avancée du montage du spectacle. On y trouve ce qu’il faut de décalage, de cynisme et de cruauté pour bien nous faire comprendre les tensions et petites haines qui vont s’instaurer au sein de cette petite équipe. Sans oublier les non-dits. Mais ils n’évitent pas  aussi longueurs et lourdes insistances.

Sur scène, les quatre acteurs se démènent avec brio au milieu de panneaux et miroirs mobiles qui délimitent tour à tour des bureaux, des pièces d’appartement ou une discothèque. Des effets de lumière et de sons, dosés avec justesse, renforcent efficacement les situations angoissantes vécues par nos quatre victimes du monde du travail. L’entreprise devient alors un théâtre où chacun joue un rôle derrière un masque de convenances et d’attitudes codifiées. Quand le masque se déchire, l’être humain apparaît alors dans toute sa solitude, son désarroi, son ressentiment ou sa petitesse. Dans une danse lascive, Isabelle, la cadre rigide (interprétée avec justesse par Bénédicte Guichardon), laissera enfin émerger sa sensualité. C’est un des moments magiques de cette création originale mais déconcertante.

Après une dure journée de travail, assister à ce spectacle vous replongera dans cette ambiance anxiogène qui sait si bien nous pourrir la vie. Vous n’en sortirez certainement pas ragaillardi, mais au moins aurez-vous assisté à une œuvre inhabituelle, efficacement servie par ses acteurs et sa mise en scène, mais qui peut laisser le spectateur dubitatif. Quant aux questions essentielles, elles attendent toujours leurs réponses.


 

Ex Limen est jouée par la jeune compagnie LE LAABO

Par MAB


La pièce laisse une curieuse impression de malaise face au milieu de travail aseptisé où rien d’humain ou de personnel n’apparaît. Bousculé par l’esthétisme de la scénographie sobre, la lumière joue un rôle fondamental et surprend par sa froideur. Le blanc cru est souvent utilisé.

Les acteurs, tous excellents, se déplacent d’une manière fluide et circulent entre les cloisons qui se déplacent pendant la pièce mais aucun sentiment ou presque ne transparait. Le son très prégnant, parfois insupportable, accentue ce malaise. Le travail prend une place prépondérante dans la vie des employés et leurs angoisses sont palpables.

C’est une pièce qui demande un peu d’explication. Déroutante, elle nous entraine dans un univers difficilement abordable. Elle peut se comparer à une œuvre d’art contemporain. Elle demande une explication préalable des auteurs, un décodage des sentiments exprimés.


 

Le pas de côté d’Anne Astolfe dans (EX) Limen

Par Anne Simoni


Après Hold on, la  jeune compagnie LE LAABO monte sur la scène  du théâtre de L’Onde pour  interpréter avec dynamisme le fruit de ses investigations dans le microcosme sombre de l’entreprise : (EX) Limen, une création originale !

Actuellement en résidence à L’Onde, Anne Astolfe,  dans (EX) Limen, met en scène « la placardisation » un processus lent qui conduit à l’éviction d’un salarié de son entreprise, une multinationale. La victime est  identifiée dès la première scène.

Anne Astolfe entraîne le spectateur dans une quête sans fin, entre vie sociale et vie professionnelle, en s’appuyant sur diverses études scientifiques ainsi que sur  une expérience testée par Le Laabo. Elle découpe au scalpel des tranches de vie sans compassion, scrute à la loupe les comportements, les relations humaines, et masque le réalisme d’un voile d’ironie.

(EX) Limen répertorie  les codes de ces deux vies, les mêle et  les entremêle aussi.

Anne Astolfe mène l’enquête sur la vie au travail.

L’énigme sera-t-elle résolue avant le tomber du rideau ? Suspens !

Un éblouissant ballet de lumières blanches de néons transporte les quatre acteurs  au fil du temps, dans un étrange voyage en entreprise. La succession des tableaux   juxtaposés et des vidéos marquent l’évolution inexorable du temps. Les acteurs  évoluent   au rythme d’une musique  tonique dans des décors épurés, tirés au cordeau, parsemés de symboles qui inspirent la dérision.

Les textes  issus d’une écriture collaborative sont percutants et collent parfaitement  aux personnages quel que soit le rôle du comédien. Du « taillé sur mesure ! ».   Point de fausses notes  pour Guillaume Servely au physique parfait pour se glisser dans le costume gris du  petit chef  exécrable, Alex, carriériste, machiavélique, manipulateur, d’apparence intouchable. Une représentation caricaturale  du pouvoir dans ce qu’il a de plus vil et de néfaste.

Justesse et finesse dans la métamorphose de Bénédicte Guichardon qui porte sur ses frêles épaules le rôle d’Isabelle, la condamnée. La cadre dynamique est une coupable responsable puis une victime, accablée, humiliée  et enfin bêtifiée par la tâche répétitive de pousse-boutons à la photocopieuse. Chacun assistera impuissant à son isolement, à sa cruelle descente vertigineuse  « Sans travail, c’est pas la vie ! ».

Et si le thème de l’isolement du salarié n’était que prétexte à faire surgir des réflexions existentielles ?

La rencontre  entre Simon et Prune est  prometteuse de bonheurs dans leur vie privée. Puis, au fur et à mesure de leur implication grandissante dans la sphère professionnelle,  tout change.

Prune, sa légèreté d’actrice perdue,  devenue une naïve secrétaire manipulable, est à présent une compagne  autoritaire, intransigeante. Prune Beuchat sert tous ces rôles à la perfection ! Mais aussi elle questionne (peut-être trop !). Pouvoir, jalousies, mesquineries, haines cachoteries, l’univers des artistes est-il si différent de celui des  travailleurs ?

Quant à Gaëtan Gauvin, il  brouille les pistes, tour à tour, consultant, l’employé Junior, Simon, et enfin magicien. Omniprésent, il occupe avec brio tous les espaces. Intensément, il explore le chevauchement de la vie professionnelle sur la vie privée. Le jeune homme, un sympathique gaillard jovial dans le privé est en manque de confiance en soi  au travail. L’employé Junior, Simon, en recherche de  la considération du chef, est-il prêt à tout accepter de son supérieur pour faire sa place dans l’entreprise, même au détriment de sa vie familiale. S’investira-t-il jusqu’à l’épuisement avant d’être la prochaine victime ?

Le travail constitue l’entité de chacun et l’entreprise fait partie de la vie.

Travailler pour vivre, certainement, mais qu’en est-il de vivre pour travailler et de travailler pour exister ?

Anne Astolfe nous livre sans pathos, dans un spectacle inventif et original, d’une chorégraphie poétique.  Une exploration,  sur les multiples questionnements de la vie au travail, du réel jusqu’aux confins de l’absurde.

Les dénouements et les conclusions appartiendront aux spectateurs !


 

(Ex) Limen : Travail , Aie Aie Aie !

Par Mi´Ailes


A l’Onde, le collectif le Laabo offre, avec (EX) Limen, une mise en scène inventive et éthérée mais au service d’un discours trop souvent convenu sur la vie en entreprise.

L’Onde accueille pour la 2ème fois le Laabo, jeune compagnie qui offre son nouveau spectacle sur la vie en entreprise. Saluons tout d’abord l’inventivité de la mise en scène, son élégance et son caractère parfois onirique en habile décalage avec un climat que l’on veut anxiogène. Le plateau quasiment nu et des jeux de cloisons mobiles tout en transparence font échos à la froideur et au caractère impersonnel justesse, envahissante ponctuent efficacement le discours. L’ensemble accompagne et sert les quatre comédiens qui se livrent avec engagement à un enchaînement de tableaux plus qu’à une construction narrative. L’écriture stigmatise le délitement du collectif dans la vie en entreprise.

Celle qui ne fait que des photocopies, jusqu’à ce qu’on lui retire chaise et… photocopieuse, celui qui se retrouve « à poil » devant un auditoire exigeant, celle qui est sortie parce que «  trop vieille », le jeune qui passe sa nuit à préparer une réunion à laquelle personne n’a prévu de venir, la comédienne qui remplace au pied levé un consultant en apprenant un discours formaté…  Autant d’illustrations pour un discours sans nuance et paradoxalement bien conventionnel. Un discours convenu lorsqu’il est intelligible et qui, trop souvent, perd le spectateur.

Quel est finalement le propos ? Quel est l’enjeu pour le Laabo ?

Si c’est pour dire la souffrance au travail, la troupe est passée à côté du sujet. Je ne peux pas croire que faire ainsi souffrir le spectateur soit un geste théâtral délibéré pour dire cette souffrance….  « (Ex) Limen » : sorti du seuil. Mais c’est le spectateur qui est sorti du propos. A moins que ce ne soit le Laabo qui ne parvienne pas lui-même à entrer dans son sujet… Peut-être malgré elle, Anne Astofle et sa troupe, bien que talentueuse nous donne une magistrale illustration de… la perte de sens du travail !


 

L’entreprise : la machine à broyer

Par Valérie


L’équipe artistique de la compagnie « LE LAABO » nous présente une pièce, sous forme de tableaux, dont le sujet est cruellement d’actualité et qui va au delà du factuel. Il n’est question ici que de l’humain. La pièce traite, sous la forme de jeux de rôles, de l’existence, de la place, de l’utilité, de la reconnaissance sociale de l’individu dans un endroit clos que l’on appelle l’entreprise.

Pas de scènes figées, mais un mouvement perpétuel, mouvement qui s’arrête lorsque le salarié représenté par un poisson dans un bocal cherche l’issue de secours pour se sortir de la souffrance qui ne peut le conduire qu’au « burn out » et à l’éclatement de la cellule familiale.

Attention, rien de pathétique, mais, la dérision, l’ironie, l’humour grinçant de situations ou l’élimination se fait comme dans un jeu de Quiz.  La mise en scène de cette pièce est ingénieuse, magique même, avec ses jeux de miroirs et de lumières. Cette pièce admirablement interprétée par des comédiens dynamiques et attachants, nous fait nous poser une question : N’existe-t-on que par le travail ?


 

Bienvenue dans votre nouveau plac…. bureau !

Par Marie Vulliez


Dans sa pièce Ex limen portée sur la scène du théâtre de l’Onde, Anne  Astolfe nous convie au spectacle de la chronique d’une placardisation annoncée, dont on se demande juste qui va en faire les frais et comment.

Le spectateur assiste à l’élimination des personnages qui se trouvent relégués, en marge d’un système absurde mais dont ils ne peuvent s’empêcher de vouloir prendre part coûte que coûte. Il semble que ce soit leur seule manière d’exister.

La pièce s’ouvre sur la vision d’une employée affalée, le regard vide, à côté d’une photocopieuse qui tourne à vide.

On assiste alors au spectacle de l’élimination de cette employée dans un monde professionnel gouverné par des rapports humains où  la cruauté est d’autant plus glaçante qu’elle semble banalisée.

Les relations professionnelles s’apparentent à un jeu tel Question pour un champion : vous pouvez perdre votre place pour une réponse erronée. Un jeu de rôle absurde ou de comédien vous pouvez devenir secrétaire par le hasard d’une rencontre et en changeant de vêtement.

La frontière entre vie publique et vie privée se délite. Anne Astolfe joue avec un décor tout en transparence par un habile système où des images sont projetées.  Les personnages se fondent peu à peu dans ce décor jusqu’à devenir des fantômes errants dont l’image se dissout peu à peu et dont on se demande si elle a jamais existé,  tant les personnages ont l’air de pions interchangeables sans véritable consistance.

Ex limen semble nous dire que si l’homme emploie tous ces efforts à exister dans la vie professionnelle, la vie, la vraie, est ailleurs.



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