La boîte à mots, le jeu : avril 2017

mai 2017 -
Si les mots avaient des ailes

Les mots proposés pour notre jeu de avril 2017: BONNE HUMEUR – OSER – PLEURER
Voici les textes que nous avons reçus


Et Même Si… (Marc-Aurèle Nuel)

Même si tu le sais, j’aimerais tant
que nous restions amis ; même si
nous sommes cabossés par la vie,
meurtris ; estafilades sur le cœur…

Même si, tu le sais, j’aimerais tant
que nous restions amis
pour enfin sourire à mots couverts
de notre passé si proche, si lointain !

Et même si, bien sûr, te revoir
m’a remué, secoué,
il faut aller de l’avant,
vivre… Oser vivre… Encore…

Et même si parfois je feins
un petit peu la bonne humeur,
j’espère tant, un jour,
encore savoir pleurer de bonheur…

Même si, je le sais déjà, ce sera ailleurs…

Alors, à cette heure où le gris
de la nuit qui tombe mange toutes les ombres,
je lève en ton honneur ce grand verre,
gravé de souvenirs et de l’empreinte de tes lèvres.


Les choses de la vie (Martine)

Vais-je oser l’aborder ou ma timidité va-t-elle m’en empêcher ?
Pourtant ce n’est pas l’envie qui me manque ! Elle est si jolie avec ses longues jambes fuselées qui dépassent de sa roche vichy… Et ses cheveux ! Blonds comme les blés, ils se laissent caresser par la bise matinale.
Est-ce qu’elle se doute que je l’observe depuis un long moment derrière mon journal ? Apparemment non. Quoiqu’il me semble qu’elle jette, parfois, de furtifs regards en ma direction. Ne serait-ce pas plutôt le fruit de mon imagination ?
Allez courage ! J’y vais. Tiens, elle tourne la tête vers moi. Mais que lui arrive-t-il ? La voilà qui part dans un éclat de rire incontrôlable.
Elle me déstabilise. Pourquoi rit-elle ainsi ? Elle est encore plus jolie de près que de loin…
– Désolée ! Je ne parviens pas à contrôler mon fou rire. C’est à cause de votre perruque…
– Mais ! Je n’ai pas de perruque, ce sont mes vrais cheveux.
– Pas possible ! Excusez-moi alors ! Jamais je n’aurai imaginé que l’on pouvait avoir une chevelure pareille. Faut dire que je suis coiffeuse et que j’en vois passer des têtes.
Voyant mon désarroi, elle me propose, entre deux hoquets, de m’asseoir à sa table. Au bout d’un moment, sa bonne humeur contagieuse m’a gagné et j’ai oublié la façon désastreuse dont nous avons fait connaissance.
Il faudra que je songe à lui demander où se trouve son salon pour qu’elle m’arrange ma tignasse !


Attente(Elisa M.Poggio)

L’heure des présentations arrive. L’angoisse obstrue ma gorge comme une boule de pâte à pain crue, impossible de l’avaler ou de la recracher. Je lisse pour la millième fois les plis de ma robe rose. Je m’assure qu’elle cache bien mes genoux. Mes ongles captent doucement la lumière de fin d’après-midi. Un parfum de chèvrefeuille flotte dans l’air.
Un compliment bien tourné, une figure qui respire la bonne humeur, un maquillage discret… Qu’est-ce que je suis censée dire à ma future belle-mère déjà ?
L’entremetteur se faufile à petit pas sur la véranda, aux aguets. Je le soupçonne de fumer en cachette. Ma mère, assise à ma gauche, soupire en agitant son éventail. Zut, j’ai oublié jusqu’au premier mot de mon compliment. Je tremble de la tête aux pieds, je pourrais pleurer de frustration. Si je rate ma première impression, maman ne me le pardonnera jamais ! La famille de mon fiancé tarde. Douze minutes de retard. Ces gens-là ont du bien, ils affirment leur supériorité sociale. Un beau mariage en vue. Leur monde ne sera jamais le mien, quoique j’y fasse. Mais maman a décidé qu’il fallait oser, tenter notre chance de nous élever au-dessus de notre condition. Nous retrouverions ainsi les privilèges d’avant la mort de mon père. Personnellement, c’est le cadet de mes soucis, mais je ne veux pas être un poids pour maman.
— Tu es une étudiante brillante, jolie comme un cœur et en excellente santé. Le fils de la famille M. est moderne, il ne veut pas d’une potiche. Nous avons la chance d’une rencontre organisée par un ancien ami de ton père. C’est une occasion unique. Le ciel nous sourit enfin. Non c’est ton père qui veille sur nous depuis l’au-delà !
Si seulement je pouvais me souvenir de ce que je suis censée dire ! De toute façon, aucun son ne parvient à traverser ma gorge. J’ai beau déglutir toutes les trois secondes, la boule de pâte coince toujours.
Un léger crissement de gravier nous parvient depuis le jardin, à travers les portes ouvertes de la véranda. L’entremetteur se précipite. Une portière claque.
— Bien le bonjour, entrez donc par ici. Je fais servir la collation tout de suite.
Ma mère s’évente plus fort, le dos droit. Elle ne se tourne pas pour accueillir les retardataires.
Des voix devisent en sourdine dans le jardin. La boule de pâte a disparu.


Monsieur Harpagon (Colette Kirk)

Ce soir Monsieur Harpagon se réjouit de la recette de la journée. En effet, il a encaissé les intérêts des prêts qu’il a accordé ce mois-ci. Monsieur Harpagon n’est pas seulement « prêteur sur gage » mais un fieffé usurier qui n’a aucun scrupule. Ce soir donc, assis devant son bureau, il compte et recompte les billets ainsi que la moindre petite pièce qu’il inscrit dans son grand registre secret… L’endroit où il travaille, est un minable cabinet sombre, éclairé par une ampoule qui consomme le moins possible de volts. Autour de la pièce, des étagères remplies de livres. N’allez pas croire que Monsieur Harpagon est un fervent lecteur… Non ! Tous ces bouquins sont factices et creux, car Monsieur Harpagon est plus porté vers l’arithmétique que vers le français, d’autant que dans ces volumes il y cache son argent. Satisfait, il part se coucher. Le lendemain matin, il se réveille de bonne humeur espérant que la journée sera aussi fructueuse que la veille. Revêtu de son vieux peignoir en pilou, coiffé d’un bonnet sans forme et chaussé de vieille savates trouées, il descend l’escalier, pousse une porte et… là, reste pétrifié devant le spectacle qu’il découvre. Le cabinet est sans dessus dessous. Tous les livres sont par terre, ouverts, vides.
Mais qui a bien pu oser faire un tel désordre, là, dans sa propre maison, la nuit, sans bruit ?
Anéanti Monsieur Harpagon est effondré. Assis dans son fauteuil bancal, il reste là, à pleurer son magot envolé !


Etoile magique (Aline Veylis)

Rien n’est plus doux au réveil
Que la caresse d’un rayon de soleil
Qui nous offre en cadeau sa chaleur
Et engendre en nous la bonne humeur
Nous avons devant nous la journée
Pour entreprendre et tout oser
Inconscients éblouis et heureux
On oublie que le soleil est précieux
Même s’il est puissant et généreux
Il suffit d’un nuage pour le cacher
Et tout devient triste à pleurer


Godonlage (Gg)

Dans la forêt profonde des tropiques, là où les rayons de soleil, pourtant ardents la plupart du temps, peinent à s’infiltrer, la vie s’ensauvage à l’envi. Que ce soit dans le monde végétal ou dans son collègue, l’animal, les luttes pour la survie prennent des allures épiques, au-delà de toute morale, chrétienne ou pas. Il est vrai que morale suppose conscience et que ce dernier objet, dit-on, n’est que l’apanage de L’Homme. Ouais! Un peu facile quand on voit, par exemple, une colonie de fourmis oser s’attaquer à un australopithèque décadent en démontrant une science non pas innée, mais ingérée par une longue pratique des plus lointains ancêtres, transmise de génération en génération par une volonté redoutable de s’imposer dans ce monde de brutes. Où j’en suis?… Ah oui je disais donc que loin d’être exceptionnelle, la fourmilière (ou l’Homme je ne sais plus très bien), présente pour le moins et ce, dans une incontestable bonne humeur reconnaissable au gondolage des parcours individuels, une forte analogie avec les oies sauvages, émigrant, plumes au vent et bec en gouvernail, dans les brumes automnales au-dessus des montagnes. Et là, il faut oser, car si les collines du Jura dépassent rarement mille mètres, les pentes de l’Himalaya en font huit fois autant. Parfois, vous avez dit parfois, certaines y perdent leurs plumes et c’est à en pleurer, car triste est la chair vaincue, palpitante proie à la merci de l’Homme des neiges. Tiens le voilà réapparu celui-là, on s’en débarrassera jamais de cette vermine qui a pollué la planète et transformé en poubelle tout ce qui rêve d’exister sous des cieux cléments. Mais heureusement, et là j’en viens à la conclusion de ce texte d’une logique irréprochable, les fourmis sont là qui bouffent les moindres excréments humains, laissant ici ou là quelques croûtons aux oies sauvages.


Fuite (Caroline R.)

Va-t-elle oser partir ?
Fuir, se tailler, se casser, foutre le camps, partir ailleurs, retrouver des matins illuminés de bonne humeur.
Rire à nouveau, chanter… Retrouver la gaîté des instants passés autour d’un pique-nique improvisé ou simplement de ne rien se dire dans une complète compréhension.
Que de moments oubliés, effacés par le temps cet ennemi épouvantable pour certains… dont ils sont peut-être.
Osera-t-elle le quitter ? Elle ne sait pas.
Reste-t-il un espoir ? Elle ne sait pas… elle ne sait pas…
Elle a juste envie de pleurer.


L’orage (Susan)

La petite dame à la télé annonce des orages en fin d’après midi. Il n’est que huit heures du matin et Laure constate que le tonnerre gronde déjà. La déprime ! Huit heures, et Laure est debout depuis un bon moment. Ethan a pleuré toute la nuit. A-t-il mal aux dents, encore une otite, faim, une couche mouillée ? Une mère est censée savoir. Mais Laure ne sait jamais, et ça l’angoisse. Quand David est à la maison il la rassure. Mais David est absent pour la semaine. Il est en séminaire d’entreprise. Ça lui arrive souvent. Avant le départ il feint toujours d’être navré de l’abandonner. Mais il n’arrive pas à cacher son impatience, et passe beaucoup de temps à préparer sa valise. Au retour il se montre toujours épuisé par une semaine de travail éreintant. Mais lorsqu’il décrit les bons repas et les soirées bien arrosées, il a du mal à dissimuler son euphorie. Souvent il oublie de lui demander comment elle a passé le temps pendant son absence. Elle n’ose jamais se plaindre et essaye de se montrer de bonne humeur, heureuse qu’il a eu du plaisir.
Ethan s’est rendormi enfin et Laure se hâte à faire le ménage avant qu’il ne se réveille. Elle a si peu de temps. Lors de ses études de gestion à la fac elle n’imaginait pas travailler pour deux « patrons » si exigeants : un souvent absent et l’autre un véritable tyran avec un appétit d’ogre et des sollicitations perpétuelles, même aux heures les plus indues. Elle n’imaginait pas travailler sans salaire à des taches si subalternes et ingrates. Pourquoi avoir fait des études ? Elle aurait pu simplement faire un CAP d’aide-ménagère. Cela aurait suffit.
Soudain Laure entend du bruit dans la chambre d’Ethan. Inquiète, elle ouvre la porte doucement. Ethan est debout dans son lit à barreaux. DEBOUT… c’est la première fois. Maman et bébé échangent des regards, et rient. Ethan tend les bras. Laure le prend et cherche son téléphone pour envoyer un sms à David. La fatigue est oubliée. Le ménage peut attendre. La vie est merveilleuse.


Coloc (Hélène L.)

Ce matin-là, à peine l’œil ouvert et juste le temps de se souvenir quel jour on était, Pulchérie se trouva déjà démoralisée. Il y a de ces matins où au contraire, une fois chassées les dernières brumes du sommeil, il vous revient en mémoire que la journée à venir fourmille de choses agréables et s’annonce sous les meilleurs auspices. Mais là, non ! Elle s’en souvenait, on était bel et bien jeudi : le jour qu’elle détestait, celui où une fois par mois c’était son tour de faire les sanitaires, passer l’aspirateur et sortir les poubelles !
Pour leurs études, ils avaient tous emménagé dans cette grande maison, sorte d’auberge espagnole, avec au rez-de-chaussée l’étage des garçons et au premier celui des filles. Et comme elle était arrivée la dernière, elle n’avait pas eu le choix et s’était vue attribuer la plus petite chambre et son tour de contribution aux tâches incontournables de la maisonnée. Remarque ça tombait bien car elle n’avait jamais cours le jeudi. Alors elle aurait pu relativiser, en prendre son parti et opter pour un ménage dans la joie et la bonne-humeur, avec par exemple son baladeur et ses écouteurs sur la tête. Mais non, une sorte d’entêtement idiot la rendait incapable de minimiser. Contre toute attente avec un si joli prénom, elle était née sous un tempérament morose. Plutôt que d’en prendre son parti, de positiver en se disant qu’au fond elle évitait le pire -la crasse de l’étage des garçons- elle aggravait les choses en persistant à inscrire sa journée sous le signe de la morosité.
Elle s’extirpa mollement du lit en essayant de se motiver et ouvrit les rideaux pour constater qu’il pleuvait. Elle n’osait pas se l’avouer mais en fin de compte elle allait tout faire pour retarder au maximum le moment où elle aurait à accomplir cette corvée. Elle traîna sa contrariété matinale d’une pièce à l’autre, sans grande cohérence, consultant son portable toutes les cinq minutes et picorant un petit déjeuner hétéroclite. Puis elle atterrit devant une série dont elle avait sur son ordinateur quelques épisodes en retard. Elle en profita pour se refaire les ongles, histoire de se détourner mentalement encore un peu plus de ce qui l’attendait. Sur le coup des onze heures elle se décida enfin à bouger mais ce fut pour s’offrir le temps d’une douche. Elle ne concevait pas en effet d’attaquer son dure labeur étant encore la peau collante comme on peut l’être au saut du lit. Cela pourrait pour le commun des mortels passer pour une ineptie puisqu’elle allait derechef transpirer à son ménage ! Mais ses critères à elle n’étaient pas ceux de monsieur tout le monde. Rejoignant néanmoins le sens commun, elle passa un jean et un tee-shirt, tenue adaptée à l’obligation qu’elle devait coûte que coûte remplir.
Elle se dirigea vers la cuisine et là, dans un ultime effort pour se mettre en condition, elle ouvrit la porte du cagibi. Elle en sortit tout l’attirail nécessaire : les gants de caoutchouc rose qui lui préserveraient les mains, l’aspirateur, le seau, la serpillère et le lave-pont, le spray pour les vitres et le sopalin, l’éponge grattante bleue pour la douche et la rouge réservée à la cuvette des toilettes et …. Elle ne lui avait pas fait ça tout de même ? Mais si ! La dernière à avoir été de corvée n’avait pas racheté de crème récurrente. Elle en aurait pleuré ! Elle ne pouvait décemment pas courir en racheter au magasin dans cette tenue. Car si elle ne correspondait moralement pas à l’aura qu’était censée dégager une « Pulchérie », elle était éminemment soucieuse de son apparence physique et rendait sur ce plan là hommage à son nom. Elle fila dans sa chambre enfiler une petite robe seyante à pois bleus, des collants couleur chair, une paire de bottes en cuir vernis noires et mis bien dix minutes à rendre parfait son maquillage. Elle mit son manteau puis se ravisa : cerise sur le gâteau, il pleuvait, l’imperméable valait mieux.

 



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