Ecriture critique 2015-2016 : Richard III

déc 2016 -
Si les mots avaient des ailes

Richard III
La Piccola Familia

Traduction Jean-Michel Déprats
Adaptation Thomas Jolly et Julie Lerat-Gersant
Mise en scène et scénographie Thomas Jolly
Collaboration artistique Pier Lamandé
Collaboration dramaturgique Julie Lerat-Gersant
Assistant à la mise en scène Mikaël Bernard
Création lumière François Maillot, Antoine Travert et Thomas Jolly
Musiques originales et création son Clément Mirguet
Création costumes Sylvette Dequest assistée de Fabienne Rivier
Parure animale de Richard III Sylvain Wavrant
Création accessoires Christèle Lefèbvre
Création vidéo Julien Condemine assisté d’Anouk Bonaldi
Photographies des portraits royaux Stéphane Lavoué
Doublure Richard III en création Youssouf Abi Ayad
Répétiteur enfants Jean-Marc Talbot

Production La Piccola Familia
Production déléguée Théâtre National de Bretagne / Rennes
Coproduction Odéon – Théâtre de l’Europe

 

19 Mars 2016  –    L’Onde – Théâtre Centre d’Art de Vélizy-Villacoublay (78)



Critiques écrites dans le cadre du projet « Mémoire de scènes » de l’Onde – Théâtre Centre d’Art de Vélizy-Villacoublay

Atelier d’écriture animé par Christophe Candoni, journaliste

Atelier théâtre animé par Catherine Lenne, comédienne et metteur en scène.

Octobre 2015 – Juin 2016



RICHARD III : Thomas Jolly fait son show

Par Valérie


La pièce représentée à l’Onde à Vélizy par la troupe La Piccola Familia est un bon spectacle qui contient tous les ingrédients d’une production hollywoodienne.

Le personnage Richard III s’efface au profit de Thomas Jolly, metteur en scène et comédien principal. Nous voyons sur la scène un enfant facétieux qui joue et se joue de tous, un homme possédé par le culte de la personnalité, un rocker, une diva offensée, un homme dont l’ironie minimise la cruauté du personnage, un homme qui manipule et trucide dans la joie et la légèreté. On tombe même dans le comique et le public, assez jeune pour une bonne partie, rit. Bon public, après quelques moments d’hésitation, il se prête joyeusement au jeu de l’interaction, en même temps, il s’amuse et apprécie l’occasion qu’on lui donne de s’exprimer en étant à la fois sujet et citoyen.

Thomas Jolly est si présent que l’on en vient à oublier ses partenaires qui semblent être sur scène comme « faire valoir ». Il faut tout de même reconnaître que les comédiens déclament le texte de Shakespeare sans aucune hésitation. Le parti pris du metteur en scène est, sans aucun doute, de mettre Richard III sur le devant de la scène et d’éclipser la cour.
Le metteur en scène donne à voir un grand spectacle « son et lumière » car, mis à part des échafaudages métalliques -un rappel du théâtre du globe-, les jeux de lumières sont les décors. Tout le décor s’installe par faisceaux lumineux, les effets sont bluffants, un grand bravo à tous les techniciens qui ont fait, là, un travail remarquable.
Les costumes sont conventionnels mais n’empêche toutefois certaines fantaisies. Celui de Richard III, blanc costume de rock star habille élégamment la difformité du roi.
La musique, alternativement psychédélique, douce, classique avec certains morceaux au clavecin, s’adapte parfaitement aux scènes de concert et de présentation de cercueil ensanglanté.
Le spectacle est bien ficelé, on ne s’ennuie pas durant les plus de 4 heures de représentation, mais c’est un spectacle auquel on assiste avec un regard extérieur, sans y entrer, froid. Un spectacle pour les yeux, moins pour le cœur.


 

Richard III « The Monster »

Par Odile


Au Théâtre de l’Onde, la tragédie de Shakespeare est rendue vivante par Thomas Jolly et sa troupe, la Piccola Familia à la manière d’un grand théâtre populaire. L’artiste a animé son public tel ce roi tyrannique qui galvanisait les foules ! Plus de quatre heures de spectacle intense à l’image du jeu du personnage principal interprété par le metteur en scène lui-même.

A grand renfort de jeux de lumière, de décors amovibles, de musique sombre et parfois tonitruante, le comédien va nous mener au bout de son œuvre en compagnie de ses compagnons de troupe investis autant que lui.
On dit que Shakespeare est le génie des mots. Dans cette adaptation théâtrale, les mots sont clamés, joués, hurlés avec véhémence et intensité. Chaque réplique est mise en relief. Le texte est joué intégralement. Les intrigues sont relevées par le jeu des acteurs et on se régale. On n’en perd pas une miette …. L’énergie dégagée par les comédiens est impressionnante.

Le machiavélisme de Richard III nous happe. Thomas Jolly incarne à la perfection ce monstre perfide qui agit impunément aux vus et aux sus de tous pour la quête du pouvoir et arrive à ses fins. Richard manipule sa cour et la terrorise, raconte histoires, mensonges et rumeurs. Personne ne lui résiste ni ne l’impressionne de Lady Anne à sa mère la duchesse d’York qui n’a que dégoût pour ce fils maudit par la Reine Marguerite. Il s’est promis d’avoir le pouvoir et le conquiert.
Pour ce faire, Thomas Jolly met en avant un personnage difforme, bossu emplumé, claudiquant, possédant un corps ajusté d’un bras de fer prolongé de griffes. Sa prestation, tel un oiseau de proie œuvrant en quête de trophée, est intense. Il occupe l’espace, joue avec sa voix, hypnotise le public à tel point qu’il acclame cet être cynique, cruel, vil et menteur pour le mettre sur le trône du royaume d’Angleterre à la fin de la première partie. Le couronnement se transforme alors en concert Rock avec la participation de la salle. Trop fort !
Sur le plateau, un décor réduit au minimum, un échafaudage qui bouge au gré de la pièce, un praticable qui monte et descend, des escaliers au centre et des panneaux gigantesques de parts et d’autres avec de magnifiques photos des protagonistes de l’histoire qui se voilent et se dévoilent. Sur le fond de scène, un écran vidéo où sont projetées les images des caméras de surveillance du royaume. Ce décor, sobre, concourt à une atmosphère sombre toute en tons de noir et gris. Seules touches lumineuses au tableau, les faisceaux laser qui balaient la scène et parfois la salle, découpent le plateau, limitant l’espace ou imitant les barreaux d’une cellule. Ainsi, pour mettre en scène ce règne marqué par des complots et des meurtres, signes de chaos et de folie qui vont précipiter Richard III vers sa perte, Thomas Jolly, utilise les technologies d’aujourd’hui et des symboles futuristes. Ingénieux !
Cette pièce historique, œuvre de jeunesse de William, relève de la tragédie et pourtant, à son époque, cet auteur a contribué à l’émergence d’un théâtre populaire, admiré à la fois par des intellectuels et des amoureux du pur divertissement. Richard III est une pièce extrêmement sombre, noire, décrivant ce personnage comme un tyran machiavélique et monstrueux. Il se transforme en « bouffon » dans la mise en scène de Thomas Jolly où s’expriment énergiquement ces deux genres, le tragique et le burlesque. Il contribue ainsi à cette hypothèse que l’on peut rire avec Shakespeare.
Pendant quatre heures, on ne s’ennuie pas. On est tour à tour surpris, étonné, inquiet, agacé et stupéfait !


 

To be or not to be Richard 3?

Par Marie Vulliez


Pour son come back à l’Onde, quatre ans après son spectacle Henri VI, Thomas Jolly fait l’effet d’un cheval fou lancé au galop. Le metteur en scène et acteur principal du rôle-titre y va à fond dans l’exubérance et dans la manipulation flamboyante dans une mise en scène explosive à couper le souffle.

 

Créature mythologique entre l’homme et le vautour, corps nerveux et torturé, visage crispé, des mains aux doigts avides, jambe et bras rigidifiés, Richard III apparaît sous les traits d’un tyran assassin qui s’assume sans complexe et c’est jubilatoire ! Tout la pièce est placé sous le signe du spectaculaire. Le spectacle, d’emblée est d’une grande beauté visuelle.

Richard III est étrangement beau et séduisant malgré sa difformité. Il est le seul personnage hors norme quand les autres personnages semblent figés, corsetés dans leurs rôles comme dans leurs costumes.

Dès qu’il rentre sur scène, on sent la rage qui habite un être dont toute l’existence est tendue vers un seul but : arracher la couronne d’Angleterre.

L’ambiance plutôt sombre en noir et blanc est sillonné de touches de couleurs, les faisceaux lasers lacèrent l’espace. On est aux limites de Star Wars.

On est allé voir du Shakespeare on se retrouve dans  devant un concert de rock ! On est venu assister à la déchéance du roi tyran on en vient à l’acclamer !!

Vive le Roi Richard ! On est à la limite de dire « longue vie au Roi Richard » !

Bref, on voulait du spectacle, on est servi ! On ne sait plus ou on est et c’est tant mieux. Richard 3 où le spectacle du grand renversement…

Richard 3 ou quand la noirceur nous éclaire.

De noir le personnage passe au blanc quand il accède au trône tant convoité même si son costume de lumière est éphémère. Dans cette pièce, le machiavélisme devient génie, le crime devient burlesque.

Comme lorsque les deux tueurs commandités par Richard 3 prennent les traits d’un duo comique quand ils s’apprêtent à tuer Clarence, le frère de Richard dans une sorte de parodie d’exécution grotesque où il finira dans un tonneau de vin.

Richard est aussi habile dans les manœuvres dissimulées que dans les coups d’éclats.

Comme lorsqu’il explique  sans rougir à la reine après avoir tués ses deux fils qu’elle ferait mieux de lui donner la main de sa fille pour racheter son crime. Le cynisme prend la place de la grandeur mais en conserve le panache ! Et on se dit : il a osé !!

Nous devenons malgré nous des complices d’un Richard 3, dont le cynisme, seul capable de dévoiler la mascarade d’une cour d’Angleterre fondée de toute façon sur la violence et le sang devient intelligence capable de tout renverser.

On ressent alors une sorte de jubilation à voir voler en éclat un château de cartes où la reine d’un jour semble pouvoir devenir une sorcière déchue et inversement par les jeux de pouvoirs et des alliances.

Alors pourquoi ne pas tout exploser ?

D’autant que la reine d’une raideur presque cadavérique est aussi chaleureuse qu’une statue et le meurtre de ses deux enfants nous laisse de marbre alors qu’on s’enflamme volontiers pour Richard.

Thomas Jolly est aux commandes et devient vite omniprésent au point d’éclipser les autres personnages qui ont l’air de pantins dont il tire les ficelles.

A ceux qui trouveraient que Thomas Jolly en fait trop et donne dans la surenchère on a envie de dire qu’il est si habité par le personnage qu’il ne peut être que dévorant, omniprésent, conquérant, exalté, à l’image d’un Richard 3 qui balaie tout sur son passage.

Cet effet de rouleau compresseur, de mise en scène ravageuse sert le spectacle et est fidèle au personnage parti pour tout écraser.

Thomas Jolly, pour faire ce spectacle, ne pouvait être qu’au four et au moulin. Côté cour et côté jardin, il ne ménage pas sa peine et se donne les moyens de sa vision sublime de Richard III, le roi sanguinaire.

Alors, to be or not to be Richard 3 ?

Pour nous en tout cas, Thomas Jolly est définitivement Richard 3.

Et on applaudit plutôt trois fois qu’une.


 

Richard III traverse le temps

Par M.F. L.


La tragédie de Shakespeare est mise en scène avec brio, par Thomas Jolly. Celui-ci assure également le rôle principal et emmène sa troupe, La Piccola Familia, vers une interprétation contemporaine de l’œuvre au théâtre de l’Onde, à Vélizy.

Du Globe à l’Onde.
Le metteur en scène s’en donne à cœur joie dans le mélange des genres : de la tragédie classique au burlesque, en passant par le gothique, voire le hard rock explosif ! Les références à l’époque élisabéthaine s’expriment par la fidélité au texte, le ton déclamatoire des acteurs, l’évocation du théâtre du Globe avec les échafaudages-loges sur les côtés de la scène, les incursions des acteurs parmi les spectateurs. A ces choix datés s’ajoutent des effets tout à fait de notre siècle, tels des moniteurs de vidéosurveillance, des films courts relatant l’avènement au trône du roi Edouard IV, le jouet électronique des jeunes princes, la musique évoluant de la simple vibration à l’explosion du « Hard Rock », les jeux d’éclairage…

Le spectacle se déroule dans un environnement de pénombre striée de jets de lumière qui, à certains moments, deviennent violents et colorés. Les couleurs noires et grises, parfois entachées de rouge sang, envahissent la scène et les costumes ; seul Richard, roi, portera du blanc. Les faisceaux lumineux (essentiels dans la mise en scène) associés à la musique font écho à la déflagration de la fête puis de la bataille, au triomphe de Richard, à son angoisse lors de l’apparition des spectres… Ce sont également ces faisceaux qui figurent la prison de la Tour de Londres, et l’enfermement de la reine Elisabeth dans les manipulations de Richard qui veut épouser sa fille. La raideur et le style déclamatoire des acteurs, remarquables, forment un vif contraste avec le jeu plus libre et nuancé de Thomas Jolly incarnant un personnage tyrannique, cynique, cruel, sans remords mais lucide qui se réfugie dans l’ironie et une certaine bouffonnerie tragique pour exister et réaliser ses ambitions.
Même si la première partie de la représentation manque un peu d’allant, la deuxième se révèle être plus spectaculaire et dynamique, voire enthousiasmante : une belle performance de toute l’équipe qui a concouru à la réalisation de ces scènes et tableaux, les faisant varier de l’intimisme au flamboyant !


 

Richard III : le roi de l’esbroufe

Par Alain Lefebvre


A l’origine, une pièce shakespearienne, au final, un spectacle son et lumière rockoco tonitruant. Qui plus est, long comme un jour sans pain : quatre heures trente. La formule semble pourtant plaire, surtout auprès d’un public jeune, jeune comme Thomas Jolly, interprète du rôle principal et metteur en scène.

Le Richard III de Shakespeare est un être à l’esprit tout aussi tordu que son corps qui va conquérir le pouvoir par la tromperie, la manipulation et le meurtre. Mais les vers du grand William laissent transparaître la complexité d’un homme malheureux, rendu solitaire par son infirmité. Le Richard III de Thomas Jolly est dépossédé de cette épaisseur. Il devient un gamin cruel, sournois, voire bouffon quand il interpelle le public pour le mettre dans sa poche.

Reconnaissons-le, Thomas Jolly ne se ménage pas. Il en fait même trop, monopolisant la scène, dandy claudiquant et cabotinant qui débite son texte avec une voix nasillarde censée exprimer la perversité du personnage. Au moins ne déclame-t-il pas, laissant ce défaut aux autres interprètes, principalement féminines que l’on croirait habitées par une Sarah Bernhardt hystérique.
Trop, c’est trop !
Si l’acteur Thomas Jolly en fait trop, le metteur en scène agit de même en nous noyant sous un déluge de lumières et de sons. Flash, boum, dzim, clak ! C’est censé être moderne et innovant. Ce ne sont pourtant que des artifices clinquants qui desservent la pièce, la vidant de sa substance émotionnelle. Toutefois, quand le silence et la pénombre se font, émergent quelques joyaux capables de remuer nos cœurs. Impossible de ne pas être touché par les remords de l’homme qui vient d’assassiner les jeunes neveux de Richard, sur ordre de ce dernier. Dans ce rôle, Bruno Bayeux les exprime avec une telle justesse que notre cœur se serre et que la compassion nous vient pour cet infanticide. Mais ce ne sont quelques minutes noyées dans un long tape-à-l’œil parsemé de quelques bouffonneries inutiles.
Et que penser ce cet intermède durant lequel Thomas Jolly et sa troupe se la jouent groupe de rock ? Faut-il y voir un fumeux symbole, genre « tout ça n’est que spectacle » ? N’est-ce qu’un prétexte pour réveiller la salle ou copiner avec elle ? Désolé, Richard, mais t’es pas mon pote !
Pourtant, quand la pièce échappe à ces outrances, on apprécie des décors dépouillés, à base d’échafaudage et d’estrade mobiles. Utilisés avec justesse, les rais de lumière peuvent alors devenir barreaux de prison ou barrières. Des jeux de noir et blanc transforment une étoffe mouvante en nuit fantomatique. Et l’utilisation de la vidéo pour nous replonger dans le passé tumultueux de la famille royale s’intègre tout naturellement dans le déroulé de la pièce.
Un mot des costumes, extraits d’une garde-robe puisant aussi bien dans la belle époque que dans le semi-gothique, avec un détour par C & A. On évolue entre Cabaret, Game of Thrones et Desperate Housewife. Un choix pour le moins hétéroclite qu’on peut apprécier ou trouver décousu. Quant à Richard III, moulé dans son habit emplumé, blanc et lamé argent, il n’est pas sans rappeler le prince mi-homme, mi-oiseau du dessin animé Le château enchanté de Miyazaki. Rapace, oiseau de mauvais augure, ou coq prétentieux ? Peut-être les trois à la fois.
Un peu de théâtre, et rarement du meilleur, beaucoup de spectacle kitch, une pincée de rock, la recette n’est guère digeste. Pourtant, au vu de l’ovation en fin de spectacle, il faut croire qu’elle séduit le public jeune, venu en grand nombre. Finalement, si cette façon de faire du théâtre attire un nouveau public, tant mieux. Mais elle peut tout autant susciter le rejet.


 

Thomas Jolly et Richard III : deux manipulateurs en diable !

Par Arlette


Après Henri VI à Avignon en 2014, Thomas Jolly, directeur de la compagnie La Piccola Famila, fait fi du 4ème mur et harangue le public comme Richard III cherchait à convaincre le peuple de Londres de sa légitimité sur le trône et ça marche !

Pour cette performance de plus de 4 heures, Thomas Jolly a choisi de se mettre en scène dans le rôle titre et de s’y faire aimer. Pour cela il met tous les outils à sa disposition, la ficelle est peut-être un peu grosse mais elle est efficace à en croire l’enthousiasme du public de la belle salle de l’Onde où se jouait pour deux soirs ce spectacle déjà encensé par la critique et plébiscité par le public de l’Odéon en début d’année.
Un décor, des lumières, un son au service du démon
Le décor est sobre, un plateau suspendu, de simples échafaudages et un escalier. Les lumières (Francois Maillot et Antoine Travert) puissantes, tranchantes, sont des décors mobiles et auxiliaires précieux pour la mise en relief du personnage.

La musique omniprésente (Clément Mirguet), du clavecin au concert de rock, colle impeccablement aux tableaux et porte le dessein infernal du prince manipulateur.
Les costumes (Sylvette Dequest) sont noirs et les maquillages sont blancs, tout est d’une grande sobriété, voire d’une grande austérité. Seul Richard III se distingue, son handicap est suggéré par des attèles donnant à Thomas Jolly une démarche entravée mais toutefois rapide et agile. Son corps maquillé d’argent et les ailes d’oiseaux fixées à son dos suggèrent sa condition d’ange déchu, n’est-il pas fils de roi ?
Un jeu tranché, des détails qui ont de l’importance
Le jeu des comédiens est volontairement sans nuance, les corps et la diction sont raides. A l’inverse celui de Thomas Jolly est tout en finesse, maniant le charme et l’arrogance, les mimiques. Lui et les sbires du tiran, seuls contre tous, s’adressent directement au public, lui donnant le rôle du peuple de Londres, sollicitant son approbation, ses hourras.
Le jeu burlesque des tueurs de Prince Edouard, la ressemblance d’un des sbires avec Léon, le tueur à gages du film éponyme de Luc Besson, sont là pour dire que tout ceci n’est qu’une farce et que l’on peut bien acclamer un meurtrier !
Assurant le rôle titre et la mise en scène, la scénographie, présent à l’adaptation, à la création lumière, Thomas Jolly réussit à nous entrainer dans la folie mortifère de son personnage, nous faisant douter à la sortie de ce spectacle. Qui avons-nous applaudi ? Le fou sanguinaire ou l’étoile montante du théâtre à grand spectacle ?


 

RICHARD III, la soif du pouvoir

Par MAB


C’est un spectacle bluffant que nous offre Thomas Jolly avec cette tragédie de Shakespeare. Jeune metteur en scène, sa performance d’acteur dans le rôle de Richard III est saisissante et sa troupe la Piccola Familia le suit dans cette aventure qui s’approprie tous les codes de son temps et de sa génération. C’est brillant et jamais ennuyeux.

La pièce débute comme un spectacle Rock, musique tonitruante, ambiance noire et sombre. Les projecteurs, tels des lasers envois des faisceaux lumineux sans cesse en mouvement.
Comme dans un film fantastique avec ses effets spéciaux ou comme dans les images des bandes dessinées d’Enki Billal, On est subjugué par l’esthétique de la mise en scène.

Des décors métalliques amovibles, glissent sans cesse, supportent caméras et projecteurs qui évoquent l’état sécuritaire actuel. Les costumes sont une grande réussite. Celui de Richard III particulièrement avec ses plumes sur le dos, tel un oiseau de mauvais augure. Les maquillages blancs sont les seuls points lumineux dans cette ambiance macabre. Des drapés noirs et légers tombent et se soulèvent et transforment la scène en un espace fantastique.
Quelques tâches de couleur particulièrement bien choisies ponctuent la noirceur du décor et son ambiance funèbre : les cheveux rouges des enfants, les fleurs bleues du deuil, la veste pourpre de Richard III ou la robe blanche de la reine déchue.
La musique du début trop forte, couvre la parole et la rend incompréhensible. Mais les effets sonores et l’éclairage exceptionnel séduisent le public.
Une fois cette première impression passée, le texte devient plus compréhensible, on est vite happé par la beauté de l’écriture et l’histoire terrifiante de ce roi démoniaque qui n’hésite pas à supprimer tous ceux qui se mettent en travers de sa route. Roi manipulateur, Thomas Jolly n’hésite pas à manipuler, à son tour, le public qui scande son nom sans scrupule et soutient ce roi machiavélique. Il est facile de faire le parallèle avec les agissements de certains personnages contemporains qui ont ponctués l’Histoire et qui ont si bien su galvaniser les foules.
Il est vrai qu’à aucun moment on ne se sent vraiment en empathie avec les victimes de cette cruauté de l’histoire malgré la férocité de Richard III qui n’a pas de limite. Cette distance par rapport aux évènements est certainement due au show que nous offre Thomas Jolly et sa troupe. On le sent habité par son personnage qu’il interprète à merveille.
C’est un spectacle, un spectacle populaire et efficace qui parle au jeune public qui lui a offert une ovation finale, interminable.


 

Richard III , quelle tragédie !!!

Par Catherine


Au théâtre de l’Onde, Thomas Jolly met en scène et interprète Richard III avec beaucoup d’emphase et de rock. Du grand spectacle bien fait, plaisant mais qui ne nous touche pas.

Le décor rappelle le théâtre du Globe à Londres ou furent jouer les œuvres de Shakespeare, avec son arrondi sur le devant de la scène, ses échafaudages mouvants, ouvrant ou fermant la scène, son estrade centrale. Un espace sombre et métallique, habillé de lumière diffuse, ou les spots marquent au sol les murs imaginaires des prisons.

Les spectateurs harangués, pris à partie, par les acteurs descendant dans la salle éclairée pour rallier la foule au roi Richard, peut mettre mal à l’aise.
Les costumes sont sombres, les seules touches de couleurs sont une traine rouge symbolisée par de grands rubans, et une robe blanche; et cette noirceur laisse dans l’ombre les acteurs de la Piccola Familia, pourtant excellents et donne la part belle à Richard III/Thomas Jolly. Dans un magnifique costume, ou un drapé argenté sur le haut de son torse et son bras gauche symbolise son handicap. Il porte des plumes d’oiseau chatoyantes dans le dos, pour un drôle d’oiseau, fier comme un paon, mais juste un vautour.
Thomas Jolly choisit la déclamation pour jouer l’intégral du texte de William Shakespeare et fait de ce spectacle un divertissement, avec un dépoussiérage décapant puisqu’il met en scène cette pièce comme un opéra rock, incongru, très musical, avec un son tonitruant, assourdissant, couvrant la voix des acteurs. Son Richard III est un ado séducteur, mégalo. Il donne à voir mille visages mais jamais celui de l’émotion.
Malgré une deuxième parte plus esthétique, et entre déclamation et burlesque, Richard III / Thomas Jolly est un rockeur destitué, désarçonné, tombé de son cheval bien avant la dernière scène.


 

Richard III, now !

Par Anne Simoni


Galvanisé par le Molière obtenu pour Henri VI, Thomas Jolly revient sur le devant de la scène à l’Onde avec sa talentueuse troupe La Piccola Familia dans un étourdissant spectacle : Richard III, une tragédie en cinq actes de William Shakespeare devenue l’Opéra-Rock de Thomas Jolly !

La saga sanguinaire des têtes couronnées d’un royaume britannique en désordre.

La première partie s’ouvre sur un décor plus que sobre, à l’atmosphère glaciale. Sous les feux croisés des rayons lasers, seuls scintillent l’or et l’argent des couronnes. Quatorze comédiens, en costume noir et atemporel, évoluent avec énergie dans l’espace sombre et dépouillé, où seule la disposition, des échafaudages tubulaires et du large plancher suspendu, fait référence au théâtre de Shakespeare, le « Globe » à Londres.
D’emblée les musiques originales de Clément Mirguet donnent au spectacle un son puis un ton plus contemporain. La tonitruante introduction musicale semble avoir été inspirée par « La Chevauchée des Walkyries » autrefois utilisée par les nazis comme instrument de propagande dans la conquête du pouvoir.
Le drame historique ne dépeint autre chose que l’ambition démesurée qui pousse un criminel souverain aux dernières violences et aux pires atrocités. Une manipulation machiavélique pour la conquête du pouvoir par l’ambitieux Duc de Gloucester, futur Roi Richard III, frère du Roi Edouard IV, et frère de Georges, Duc de Clarence. Les alliances, les assassinats, les complots s’enchainent. Mariage, enterrement, naissance mais aussi du sang, des cris, des larmes et pour finir la solitude.
L’apothéose
Pendant deux heures trente les comédiens déclament impeccablement, sans faille et avec force le texte de la tragédie shakespearienne, mais sans aucune émotion.
Quant au metteur en scène il attise sans cesse la curiosité du public par l’intrusion de bruits et d’objets hétéroclites (clavecin, micro, panneaux, console, vidéos, caméras, lunettes de soleil et autres …). Thomas Jolly en use et en abuse. Il s’amuse à captiver « son » public et à la manipulation pour l’entraîner en dehors du monde normal.
Et c’est tant mieux ! Si ce n’est pas l’humour de Richard III qui séduit, si ce n’est pas l’odieux monstre criminel qui fascine, c’est le talentueux raconteur d’histoires, l’insolent créateur Thomas Jolly qu’on applaudit.
Dans le rôle de Richard III, l’acteur nous fait son cinéma, burlesque, railleur, joueur. En bossu, difforme, appareillé, qu’il soit en noir et maquillé d’argent ou en blanc et paillettes dans l’habit du couronnement, il prend toute la lumière tant à l ‘avant-scène qu’au centre du plateau. Rapace, il cible ses victimes et s’adressant à la salle, il joue de sa voix ferme pour charmer le spectateur, afin qu’il le suive dans un univers psychédélique.
Alors que Richard III interpelle son peuple, c’est Thomas Jolly qui célèbre son spectacle et fait entrer le public dans son jeu. La Super Star, guitare en mains, chante sur des rythmes « électro-punk » pousse un public complice à participer. Le mini concert est une réussite.
Un final mélodramatique : vous n’y échapperez pas !
La deuxième partie plus esthétique est pathétique. La musique et les lasers jaunes redimensionnent l’espace. Le blanc remplace le noir des masques et des costumes.
La bataille est insignifiante, sans gloire. Le Destrier blanc en carton-pâte est d’une superbe raideur. Dans le silence, Thomas Jolly rend le héros blessé pitoyable en tendant les bras de façon désespérée « Un cheval, un cheval, mon royaume pour un cheval ». Trop tard ! Le destrier est sur le flanc
La fantaisie shakespearienne surpassée par celle de Thomas Jolly
Dans un divertissement d’une très grande qualité, Thomas Jolly présente avec brio l’art de la manipulation. Le spectateur pris au piège en oublie la véritable existence de Richard III. Par cette démarche le metteur en scène-acteur, à défaut de le dénoncer, voudrait-il seulement démontrer la noirceur d’un pouvoir qui ne se partage pas et dont la fin justifie les moyens ?


 

Richard, trois fois non !

Par Mi´Ailes


De Londres à l’Onde, Richard III chavire plus qu’il ne chute de cheval : Shakespeare est asservi au principal bénéfice d’un Thomas Jolly qui livre un spectacle tonitruant, avec sa compagnie la Piccola Familia.

L’avant-scène et des échafaudages de part et d’autre du plateau sont un clin d’œil au théâtre du Globe de Londres qui fut celui de William Shakespeare. Puis le plateau brut se transforme en décor de comédie musicale contemporaine avant d’évoquer le cirque. Pourquoi pas.
Il est désormais bien rare de voir un aussi grand nombre de comédiens et de techniciens contribuer à un spectacle de théâtre, en ces temps de budgets contraints. Les lumières, signées François Maillot, Antoine Travert et Thomas Jolly, bien que parfois ostentatoires, sont assez réussies. La bande son est cohérente avec les partis pris de mise en scène, même si elle couvre parfois la voix des comédiens. Les costumes gothiques, portent le propos. Les idées se renouvellent. Des ambiances très différentes se succèdent au cours de ces 4h20 : du palais quasi-vide jusques et y compris à une scène de concert rock. Puisque le choix a été fait de monter le texte dans son… intégrale intégralité, il faut bien passer le temps. Alors, pourquoi pas.
Thomas Jolly campe un futur Richard III malingre et émacié mais surtout franchement dandy. Le côté « truc en plume » de ses costumes et les paillettes de ce qui figure son armure à la fin de la pièce accentuent la dimension showbiz. Thomas Jolly en fait un être irresponsable
Faire plébisciter le futur Richard III par les spectateurs témoins de ses crimes mais anonymes dans un collectif, voilà qui rappelle Gustave Le Bon et sa célèbre « psychologie des foules », écrite en 1895. Ce soir-là, le public de l’Onde jouait mal la partition attendue de lui et cela sonnait très faux. Mais, allez, pourquoi pas.
Thomas Jolly signe un conte moderne qui fait parfois sourire et qui est efficace comme du divertissement. Il a donc choisi d’être premier violon et chef d’orchestre d’un gros spectacle à défaut d’un grand spectacle. Il est incontestablement doué, très doué. Pourtant, sans être à cheval sur le classicisme, on est en droit de considérer que le royaume de Shakespeare mérite plus d’égards que n’en manifeste un Thomas Jolly qui ramène tous les regards à lui :
Après les trois premières heures (soit une première partie de 2h30 et l’entracte…), il est enfin laissé un peu de place au texte. La beauté, la richesse et la force des mots explosent et se font enfin entendre un peu plus souvent. Flora Diguet incarne quant à elle – parfois – une Lady Anne touchante.

Mais où est le propos portant sur la montée inexorable et coûte que coûte vers le pouvoir ? Que penser d’une mise en scène où les morts atroces, se succèdent dans la plus complète indifférence ? Pas plus de jubilation névrotique du bourreau que, la plupart du temps, de douleurs des proches des victimes qui ne soient palpables et auxquelles on adhérerait ou qui nous incommoderaient. Thomas Jolly a choisi que nous ne soyons pas concernés. Ainsi sommes relégués, avec une certaine condescendance au rang de… spectateurs, simples consommateurs de ce qui est déversé devant nous. Méprise… En outre, la plupart des comédiens de la Piccola Familia scandent et déclament. Sur scène, ils ne font que… « jouer un rôle ». Méprise encore. On était venu pour Richard III, pas pour la double méprise !
Mais, en ces temps incertains où le populisme gagne partout du terrain et où nous devons individuellement et collectivement nous montrer vigilants pour éviter que de nouveaux chefs totalitaires ne s’imposent, Thomas Jolly qui n’a pas pourtant pas peur de faire beaucoup de bruit pour rien, a raté une belle occasion de réveiller les consciences.
Après Henri VI, Shakespeare a écrit la même année outre Richard III, une seconde pièce moins connue. Si Thomas Jolly décidait de la monter, ce serait un aveu et nous lui en voudrions alors un peu moins de ce Richard III. Car le titre de cette autre pièce de 1591 c’est…. « La comédie des erreurs ».


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