Cher Cerveau

jan 2016 -
Si les mots avaient des ailes

par Christine D.

Cher Cerveau

Moi, pauvre Estomac, au nom de mes confrères de la digestion je viens une nouvelle fois, comme tous les ans à la même époque, me plaindre des sévices que tu nous imposes.

Tu es, je le sais bien, et te respecte pour cela, le maître de tous les organes, sans toi nous ne pouvons rien faire, mais c’est aussi à cause de toi que nous souffrons.

Oh ! bien sûr, ils étaient bien aguichants tous ces mets sur la table du réveillon, rivalisant les uns les autres par leur présentation et leur goût raffiné : foie gras sur son plat à tête de canard, jolies tranches roses de saumon accompagnées de blinis débordant de crème et croustillants à souhait, plateau de fruits de mer à l’odeur iodée rappelant les vacances d’été, sans oublier cette énorme dinde et sa farce goûteuse entourée de marrons joufflus. Et pour finir, la fierté de toutes les maîtresses de maison : la « jolie bûche » avec son ridicule Père Noël et son sapin en plastique ! (Qu’heureusement on ne nous oblige pas à manger).

Bien sûr, chaque plat était accompagné d’un breuvage toujours plus divin que le précédent je vous l’accorde : Pouilly, Pomerol, Nuits-Saint-Georges, mais pour nous quelle catastrophe !

Et comme si cela ne suffisait pas entre les repas, les chocolats : des ronds, des carrés, des blancs, des noirs, avec des noisettes, des cerises à l’eau-de-vie…rien que d’y repenser j’en ai des haut-le-cœur.

J’ai dû pour satisfaire mon hôte qui salivait honteusement devant tous ces mets, passer outre mon écœurement, me mettre au travail. Tout d’abord j’ai goûté du bout des lèvres, et il faut le reconnaître, pris un certain plaisir à accepter cette nourriture dans mon antre qui se remplissait jusqu’à se distendre dangereusement. Le Cardia, épuisé lui aussi, me supplia de fermer la valve pour que nous puissions prendre un peu de repos. Mais non, impossible. Toi et tes confrères étaient ravis de nous en avoir mis plein la panse. Se remplir le buffet telle est votre devise en ces jours de fêtes, mais vous ne voyez pas dans quel état nous sommes, j’en suis tout retourné. Après des haut-le-cœur terribles, heureusement, j’ai pu tout garder, mais quel supplice pour malaxer toutes ces victuailles et les réduire en enzymes afin de préparer la digestion.

Le Foie et la Vésicule étaient eux aussi en pleine crise : la Vésicule déversa sa bile à flot, quand aux Intestins je n’ose pas, dans ce courrier, te décrire leurs aventures !

Devrais je te rappeler que toi aussi tu as souffert, un mal de tête t’a obligé à garder la chambre une journée entière, malgré une prescription surdosée de Doliprane.

Pourquoi autant d’excès, puisque tu nous imposes ensuite un régime draconien pour retrouver la ligne en vue des beaux jours ? Nous avons, nous aussi beaucoup de plaisir à manger ces mets délicieux mais nous les apprécions d’autant plus qu’ils sont en quantité raisonnable !

Aussi j’espère cette fois, que tu entendras nos revendications et que pour les fêtes à venir, tu sauras te montrer raisonnable. N’oublie pas que Pâques approche ! Si nous devions subir le même sort, nous saurions, le moment venu, nous en souvenir, et te le faire payer.

Je te souhaite, au nom de tous mes confrères, un prompt rétablissement et sans rancune pour cet épisode douloureux, mais uniquement si c’est le dernier !

 

Ton serviteur l’Estomac.

Christine D.